Journaliste dépendant & théoriste musical.
26 Juillet 2014
C'était du 17 au 20 juillet 2014 à Carhaix (29).
Une 23e édition sereine et sans fausse note.
CADRE : centre-Bretagne, par tradition et esprit taquin opposé à la Bretagne littorale (plus connue des touristes). Terre marquée par l’industrie agro-alimentaire, l’élevage industriel (porc, volaille) et la fierté de ses habitants. Quelques milliers d’hectares verdoyant partagé par un festival ogre.
MÉTÉO : bretonne. Ce n’est pas parce qu’il y a canicule que la pluie n’est pas aux aguets…
CARTE D'IDENTITÉ : fête de fin d’année scolaire, créée en 1992, devenu kermesse familiale, puis plus grand festival de musique français en terme de fréquentation (225 000 spectateurs en 2014). Porté par près de 6 000 bénévoles, l’événement est organisé par une association participant au développement régional (création espace culturel, rénovation d’un château, installation d’un lycée en langue bretonne, tremplin musical…).
LA PETITE HISTOIRE : le 14 juillet, les Vieilles Charrues ont remporté la Coupe du monde des festivals, devant le candidat espagnol Primavera Sound.
LES PLUS : l’esprit inimitable breton (entre simplicité, convivialité et levers de coude), la nouvelle scénographie (espaces délimités par des couleurs, mini-grande roue, montgolfière…) et l’éternel chaud-froid éclectique de la programmation.
LES MOINS : l’importance sous-estimée de l’espace Youenn-Gwernig dans les médias, anciennement « le cabaret breton » et géré par La Fiselerie, malgré son contre-courant nécessaire (programmer des artistes locaux d’horizons musicaux différents) ; la quasi-absence de l’habituelle signature graphique du festival (d’habitude déclinée sur le merchandising et dans les différents espaces – cette année, à quelques belles exceptions près, il était parfois difficile de voir que le thème était l’heroic fantasy).
LES CONFIRMATIONS : les tape-du-pied Franz Ferdinand (précédent passage), figé dans leur haggis rock répétitif, mais toujours aussi bien ficelé ; l’électro tord-boyaux de Gesaffelstein (malgré cette éternelle difficulté d’occupation de scène pour un dj) ; les générationnels Fauve ≠ et leur journal intime en public ; les toujours-aussi-sautillants Skip the Use et Shaka Ponk (itw), éternels cumulards des rassemblements du genre ; l’inhabituelle décontraction d’un Daho plus que souriant (lors de son précédent passage, les photographes avaient protesté contre d’importantes restrictions liées à sa captation) ; quoi que l'on en dise un Yodelice charmant et charmeur ; la terriblement mature Christine and the Queens, aussi à l’aise en interview qu’en danse sur scène ; et les pas-si-branleurs hip-hopeux de Casseurs Flowters.
LE GRAND MOMENT : étonnamment... Stromae. Étonnamment, car lorsque l’on cumule le titre de « nouveau Brel » et succès grand public, on aurait pu craindre le pire. Sauf que le show s’apparente plus à du théâtre qu’un concert. Oui, la foule est acquise d’avance, mais les mises en scène originales (costumes, danses, vidéos…), le corps élastique et fil de fer de l’artiste, puis la sincérité qui s’en dégage restent bluffant. Voire efficace.
LES REVELATIONS : n’oublions pas le tremplin du festival (itw), reconfiguré cette année, et qui ont sur trouver trois challengers de haute volée en la présence de Falabella (électro), Totorro (pop instrumentale) et The Same Old Band (rock). Sûr que nous en reparlerons…
LE MOMENT ATYPIQUE : The Celtic Social Club, création des Vieilles Charrues 2014 et collectif d’anciens combattants (Red Cardell, The Silencers…) venu populariser et moderniser certains airs traditionnels (voire, parfois, l’inverse). Une bulle d'air.
LES DECEPTIONS : hormis le ronronnement des Arctic Monkeys et des Black Keys, tous deux passés en mode automatique, elles sont essentiellement techniques. On aurait par exemple préféré un Christophe, impeccable pour l’apéro, sous le chapiteau de la scène Gwernig (plutôt que sur celle principale). Idem pour les nantais Von Pariahs, qui méritaient mieux qu’une troisième place sur le podium scénique... Mais on connait le casse-tête qu'est la programmation.
Enfin, Detroit aurait pu judicieusement profiter de l’obscurité pour donner plus de corps à un show qui, s'il fut sympathique, a hélas rarement décollé. Passer le magnétisme incroyable de son chanteur, de magnifiques saillies anglaises et près d'une moitié (!) de set consacré au répertoire de Noir Désir, le "grand frisson de 2001" (précédent passage de Cantat) n’a finalement pas tant eu lieu... Trop d’attente ?
EN COULISSES : justement ! Il a fallu expliquer, gêné, à Arctic Monkeys, que si beaucoup de gens se pressaient dans l’espace artiste, ce n’était pas pour eux. Si si. Qu’il était donc inutile de donner suite à leur demande paniquée, réclamant plus de sécurité devant leur loge. La raison de cet attroupement fut un Bertrand Cantat paradant dans les allées… L’exception culturelle française, sans doute.
INTERVIEWS FESTIVAL : à découvrir sur la WebTv 2014
L'AN PROCHAIN : la 24e édition se tiendra du 16 au 19 juillet 2015.
> Compte-rendu 2013
© Denoual Coatleven