Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

« Jesus Camp » : des fans à tics chez les Evangéliques

Ils sont en guerre ! Décidés à reprendre le pouvoir aux Etats-Unis, les Evangéliques organisent des camps de vacances pour enfants afin de former une future génération « spirituellement pure ». De l’effigie de George W. Bush qu’il faut embrasser jusqu’aux manifestations anti-avortement, le processus est en marche... Nominé aux Oscars 2007, le documentaire de Heidi Ewing et de Rachel Grady (« The Boys of Baraka ») arrive tout juste en France.

Le mouvement évangélique est une branche protestante qui possède 5 fondements : le biblicisme ( la Bible est la seule autorité), le crucicentrisme (seuls ceux qui croient que Jésus-Christ est mort sur la croix à la place de l'homme pêcheur seront sauvés), l'engagement militant (évangélisation des autres), la conversion (la « deuxième naissance » par le baptême) et enfin la pratique culturelle (exprimer sa foi avec spontanéité et émotivité). Ils représentent 38% de la population américaine, soit entre 80 et 100 millions de personnes. Aux élections présidentielles de 2004, les Evangéliques détenaient 53% des suffrages exprimés en faveur du président actuel, lui-même chrétien évangélique. Le documentaire filme ici des évangéliques pentecôtistes et « charismatiques », un mouvement radical en forte augmentation notamment connu pur ses actes de guérison.

Holly colonies de vacances
Dans « Jesus Camp », on change d’humeur au fil des images : dégoût, rire jaune, incompréhension… On est stupéfait par cette idéologie qui sévit dès l’enfance et on imagine sans peine le choc des cultures que va engendrer cette génération à l’âge adulte. Le film suscite donc la réflexion et le questionnement à travers le parcours de Becky Fishern, pasteur pour enfants et directrice de Kids in Ministry International. En fil rouge, on aperçoit l’avocat et animateur d’une radio chrétienne Mike Papantonio, s’opposant à ces pratiques. Le montage est intelligent avec notamment quelques cadrages astucieux et parfois même métaphoriques. Sans commentaire, ni voix off, la vérité n’est pas aussi abrupte que dans l’émission Strip-Tease. Au contraire, le film tente d’être le plus objectif possible, même si certains passages volés trahissent la pensée de l’auteur.

Une croix sur la morale
Il s’en suit une succession de scènes provoquant la stupeur. L’endoctrinement est assumé et affiché sous prétexte que certains camps radicaux de l’Islam utilisent les mêmes techniques de lavages de cerveau pour les 7-9 ans. La plupart de ses enfants sont instruits à la maison en pleine autarcie. On leur apprend l’histoire d’Adam et Eve, le refus du réchauffement climatique car le Seigneur reviendra les sauver, à se méfier de la Science , d’Harry Potter et du Diable sur fond de patriotisme pro-Bush. Certains de ces enfants prêchent eux même, écoutent du Heavy Metal chrétien, portent des bracelets rouges HWJC (« How Would Jesus Compete ? ») et pleurent de toutes leurs larmes pour lutter contre l’avortement.

La Passion du Christ
Un constat douloureux et instructif pour le spectateur. Les dérives que peuvent prendre ici la religion signent une approche binaire et l’aveu du génocide moral dont est acteur une partie de la classe moyenne américaine chrétienne. Les témoignages sont clamés avec une sincérité si authentique, qu’ils vous glacent le dos à la manière d’un film d’horreur. A une époque où la communication et l’image explosent dans notre société, ces radicaux se battent désormais à armes égales. Et, de manière cinglante, le film se conclue par une victoire des Evangéliques : la nomination à la tête de la Cour Suprême des Etats-Unis du juge intégriste Harriet Helen Miers. La guerre est commencée… 


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