Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Julien Bassouls : « Mon salut, je le dois à Polnareff »


Manager, producteur, directeur de festival, fondateur de Life Live in the bar, premier soutien de La Grande Sophie, Louise Attaque, Sanseverino, Java, La Tordue, Anaïs ou plus récemment des Sea Girls… Quoi de plus normal de voir atterrir cette hydre - toujours aussi fantasque - à la tête du théâtre des Trois Baudets qui permit à Brel, Reggiani, Mouloudji, Gréco et Higelin de prendre leur envol. Ouverture à Pigalle à la fin de l'année. Rencontre.


Quel est le leitmotiv de votre parcours ?
Donner la parole à ceux qui ne l’ont pas et la chance à ceux qui l’ont. Pour moi, les gens injoignables n’ont pas de sens. Le jour où tu ne n’arrives pas à me choper pour me parler d’un groupe, c’est que je suis mort. (Rires) Et je ne suis pas directeur artistique ! Aucun compromis. Je pousse juste les artistes dans leurs retranchements. Finalement, je suis une caricature du milieu alternatif, mais je m’arrange bien avec mon personnage qui, au fond, me ressemble. Etant mon propre patron, je peux me permettre d’ouvrir ma gueule, me causant parfois quelques soucis comme avec Daniel Colling, le directeur des Printemps de Bourges…


Parents mélomanes ? Culture du fanzine ? D’où vous vient cet appétit pour le live ?

J’ai découvert sur le tard. A 18 ans, je suis en Angleterre à regarder Nick Cave dans un bar. 10 ans plus tard et sans le prévoir, je place les Louise Attaque au Palace. Je ne me l’explique pas. J’ai toujours eu ce côté : « Amenons le spectacle au public » d’une façon ludique. De mes expériences d’assistant sur les plateaux de cinéma - notamment pour Chabrol -, j’en garde le soucis du détail et de la mise en espace. J’aime les plateaux au garde-à-vous ! (Rires) Mais je ne suis pas un artiste frustré pour autant, vu que je m’exprime dans les arts plastiques. L’aspect militant t’oblige juste à être tout le temps en mouvement. Par exemple, ma maison, je n’y vais que pour faire mes lessives…


Pas si loin que ça du « Do it yourself » punk, non ?

Oui, en cours de musique à 12 ans, je refusais déjà d’assembler ma flûte à bec et d’en jouer… Ah ! Et à Burningham, je me rappelle taper les fafs anglais avec mes potes punks en plein quartier rasta avec de la ganja partout. (Rires) J’écoutais les Sex Pistols, B-52’s, du rythm ’n’ blues, Johnny Guitar Watson, Peter Tosh. C’était ma période post-Ferré. Mais bon, si je pars sur une île déserte, j’emporte un Henry Purcell, un vieux Nina Simone et un Reggiani. Pourtant, à part Jean Cocteau ou Lou Reed que j’aurais aimé voir sur scène, je ne cours pas forcément après les grands.


Existe-t-il en France un souci de sensibilisation du public ?

Incontestablement, mais il y a eu des efforts. Les médias sont saturés et l’Olympia ne représente plus un aboutissement. Là-bas, j’y ai d’ailleurs perdu la Grande Sophie... (Rires) Et puis, on ne peut parfois pas nier notre envie honteuse de régressif. Moi, je suis capable de programmer « Noemie chante Goldman » pendant une semaine ! Idem, je suis le seul à dire : « Mon salut, je le dois à Polnareff » grâce aux retombées de ses concerts exorbitants. Je suis content des bouses comme Star Ac’, parce que ça m’enrichit et que ça m’envoie tous les déçus. A ce propos, j’adore la phrase de Maya McCallum, ouvrant son concert sur : « Non à la dictature des musiques festives ! «  Génial... Je veux moi aussi pouvoir casser ces mythes, comme par exemple proposer un plateau chanson dans les férias…


Comment s’organise votre relation avec l’artiste ?
J’écoute peu les maquettes. Par contre, j’ai 3700 fiches sur tout le monde et j’ai besoin de voir 3-4 fois un artiste sur scène. Sur ces critères, Imbert Imbert est excellent : une gueule à la punk et une grande force émotive. Ce mec mérite 3 semaines chez nous ! Peu importe, on trouvera les solutions financières avec lui... Par exemple, du Didier Super : oui, mais assis ! La municipalité m’aide à perdre de l’argent et donc à prendre des risques. Profitons-en... (Rires) Et même si je dois couler avec, je ne démordrais pas sur certains artistes comme Lili, Thérèse ou encore
Katrin' Waldteufel. Je pourrais partir sur une île déserte avec chacune d’entre elles… La seule chose que je déteste, c’est l’humour potache…

Avec le réseau parisien déjà existant, comment les 3 Baudets vont-ils trouver leur place ?

Je ne vais pas avoir l’audace de faire une vitrine gratuite comme la Fnac. A ce propos, leurs shows cases semblent n’interloquer personne, pas même le Ministère et ce, malgré le principe non éthique que cela induit. Non, je veux pouvoir donner la chance à ceux qui ne l’ont pas eu comme Nicolas Jules ou Travis Bürki. Chez nous, nous avons de la place et on se moque qu’il existe ou non un album physique. Assurant nous-même notre communication, les 3 Baudets seront comme un label « francofaune », programmant du festif jusqu’au dépressif. C’est un animal de plus dans une capitale cernée par La Cigale, Le Chat Noir, Le Zèbre de Belleville, Les 2 Anes ou encore La Fourmi. Sinon, nous avons un salarié dédié exclusivement à une mission de jumelage international autour de la francophonie. Et, dernier rendez-vous à noter, notre futur festival « French Kiss My Ass » avec des groupes anglophones ou japonais qui chantent en Français. Yeah !

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