28 Octobre 2017
L’une (Julia Lanoë) est artiste schizophrène. Face A : électro-trash sous étendard Sexy Sushi. Face B : chanson sensible au sein du binôme Mansfield.TYA. Avant de se réinventer aujourd’hui dj… L’autre (Fany Coral) fut directrice artistique de l’ex-Pulp, boîte parisienne lesbienne (créée en 1997 ; tuée en 2007) avant de cocréer le label électro Kill the Dj et le festival Loud&Proud (aux affiches 2017 tristement lacérées). En commun ? Des personnalités. Des identités plurielles cramées à l’obscurité dans des band(e)s organisé(e)s. Une liberté de ton, surtout, plus qu’une réelle acceptation, que l’actuel regain homophobe de la société tente d’étouffer. Explications.
QUEER est là ? De l’Anglais « étrange », « peu commun », bizarre »… Le terme est apparu dans les années 80 pour regrouper les identités supposément non-conventionnelles (lesbienne, gay, transsexuelle, bisexuelle…). Mais très vite, l’étiquette a pris une dimension politique et une revendication identitaire : être queer, ce n’est pas seulement ne pas être (que) hétérosexuel. C’est surtout combattre l’idée d’un modèle sociétal universel et ses représentations. Voire, selon la théoricienne Teresa de Lauretis, « construire une alternative crédible au patriarcat hétéronormatif ».
GOD SAVE THE QUEER Loud&Proud 2017 : Mykki Blanco, Rebeka Warrior, Moor Mother, Lester, Mother, Smerz, Yves Tumor, Venus X, Kiddy Smile, Jennifer Cardini, Honey Soundsystem, Big Dipper, Ménage à trois, Tami T, Deena Abdelwahed...
CYRIL JOLLARD Programmateur du Lieu Unique (Nantes) : « Nous avons accueilli le festival Loud&Proud, il y a deux ans. L’idée de la représentation des minorités prenait tout son sens hors de la capitale… Pour autant, nous ne voulions pas être un simple lieu d’accueil et avions, par exemple, invité le collectif nantais WonDerGround. Le propos est politique : c’est important que les institutions s’en saisissent ! Les affiches laissaient entrevoir des physiques et des personnalités peu médiatisées pour que les gens se reconnaissent ou soient interloqués... On a bien vu, à travers les différentes manifestations, que le sujet était une marmite qui bouillonnait depuis longtemps... Les résultats aux élections présidentielles en sont le reflet... Je note, en tout cas, que les comportements racistes, misogynes ou homophobes sont du même ressort : la peur, la méconnaissance et l’entre-soi. Et puis, combien existent-ils de queers parmi les programmateurs-rices ? Je suis mal placé pour le dénoncer, mais la question se pose malgré tout… »
DROITS DES LGBT* Le premier revendiqué est celui de pouvoir vivre ouvertement son genre et sa sexualité, puis d'être traités de la même façon que les hétérosexuels (accès au don de sang et d’organes, équité au service militaire, intégration dans les processus d'immigration et de rapprochements familiaux...). Viennent ensuite la reconnaissance juridique des couples de même sexe (via le concubinage, les partenariats enregistrés ou le mariage), de l'homoparentalité (via l'adoption, la PMA ou la GPA) et de la réassignation sexuelle.
* Lesbiennes, gays, bisexuels et trans
LE PULP En 2007 fermait ce club « de filles où les garçons aiment venir aussi ». Depuis, beaucoup évoquent avec nostalgie la discothèque lesbienne à l’entrée gratuite et à la programmation libre (Rachid Taha, Laurent Garnier, Chloé, Arnaud Rebotini, Scratch Massive, Ivan Smagghe…). Un oasis de liberté dans le 9e arrondissement, ex-dancing pour tempes grises l’après-midi, devenu joyeux bordel anti-french touch à la barbe du Rex, situé à quelques trottoirs de là. Ici : pas de loges, de carrés VIP, de système audio dernier cri, voire – parfois – pas de clim’ du tout ! Le vote du pacs, la démocratisation de la nuit, la naissance de l’électroclash, l’irrévérence… C’est toute une identité et une esthétique dont le lieu a pris acte pendant 10 ans, avant que la Ville de Paris n’acquière l’immeuble pour en faire un HLM. Et que la visite de Catherine Deneuve, de Björk, Roman Duris ou encore Virginie Despentes n’empêchera pas…