28 Mai 2016
Ghislain Faribeault, vice-président média de Dorcel Vision, explique pourquoi l’industrie du porno a plus que jamais les autorités collées à l’arrière-train.
"Plus de censure ? Bien sûr ! Elle est même pire qu'avant Larry Flint. Exemple : Apple. Plutôt que de travailler à de vrais contrôles parentaux, on supprime les contenus... Facebook ? Il est plus dangereux de publier un sein cancéreux qu’un chat qui brûle... Dans la société actuelle, il y a eu certes une diminution des tabous dans le cercle privé, mais c'est en nette augmentation dans les institutions et instances religieuses. Prenez le CSA ! Les sex-toys sont interdits dans les films, alors que le magazine Jalouse ou la série Sex and the City en parlent... Même un bouddha dans le décor ou le sous-vêtement de telle ou telle marque sont censurés...
C'était mieux avant ? Oui. Il y avait davantage d'émissions en direct. Les actrices étaient invitées partout, de Cauet en passant par Dechavanne ou Collaro. Même les clips n'ont plus le droit à la nudité frontale ! Celui de « Libertine » de Mylène Farmer serait aujourd’hui interdit...
Le vrai problème n'est pas la pornographie, c'est le manque d'éducation sexuelle ! Soyons sérieux. On n'apprend pas à conduire en regardant le film Fast and Furious… Et encore, j'évoque le fond, mais il y aurait aussi à dire sur la forme : pourquoi devons reverser des recettes au CNC pour financer le cinéma traditionnel, alors que nous ne touchons aucune subvention ? La diminution des marges, c'est précisément ce qui a tué les vidéo-clubs..."
Même son de cloche pour le fondateur, Marc Dorcel : "En France, on ne parle pas de censure, mais de contrôle… Pour moi, c’est parfois la même chose… Et quelque soit l'époque. Aujourd'hui, la pornographie est plus trash, donc plus libre ? Non. En 1995, j'ai produit le film La Princesse et la pute. Aujourd'hui, lorsque l'on ressort le film, la scène où une actrice de plus de 18 ans a une jupe écossaise et fait de la balançoire est interdite... Même en VOD. Autre exemple ? On nous a censuré une scène où une fille se caresse avec un glaçon... Voyez ! La société a évolué, mais pas les interdits.
Les hôtesses de l'air, les infirmières... On connait. Mais interdiction de montrer un uniforme avec des insignes, comme un policier. Idem côté curé et bonne sœur (que d'autres pays ne se gênent pourtant pas d'autoriser). Et quand ce n'est pas l'État ou le CNC, ce sont les chaînes qui refusent de nous diffuser...
Pour autant, il n'y a pas de raison d’être négatif sur l’avenir de la pornographie. L’homme s’est toujours intéressé à la femme (ce qui a largement alimenté la littérature, le cinéma…), et ce, depuis les sociétés tribales jusqu’à aujourd’hui. On aime la bonne chair, voilà tout. Alors reste, oui, à travailler sur la mutation des supports, à inventer de nouveaux moyens de diffusion ou encore à innover pour plus d’équité dans les financements et la redistribution des bénéfices. Mais, dans le fond, les gens sont et seront toujours voyeurs à des degrés différents..."
> Portrait/interview de l'entrepreneur
Pour Dorcel, porno et techno font bon ménage. Au niveau mondial, on lui doit le premier film en réalité virtuelle. En Europe : le premier porno directement en vidéo et les premiers contrats d'exclusivités. En France : le film le plus cher (230 000 €), le service de streaming/VOD (avec secrètement TF1 à la technique et 3 ans avant YouTube), le porno en financement participatif, les magasins dédiés, les productions 3D (et adaptées aux smartphones), l’opération Semaine #SansLesMains (accès gratuit aux contenus si les touches A-S-P-L restent enfoncées)...