13 Février 2016
« Junior » aurait pu être le rejeton trentenaire d'un Zeppelin, Floyd ou autre Doors. Il aurait pu. Voire même le bâtard des Yardbirds... Certains le disent, oui. Pas lui. Pas intéressé. À peine influencé. Alors, quoi : artiste bis, en retard de quelques années ? Bal masqué ? Relent de vieilleries rock bazardées ? Non. Ni hommage, ni copié-collé : juste un multi-instrumentiste, dont le trop-plein de créativité sait s'étirer.
Faut dire que le franco-portugais est ami avec Nosfell et Philippe Decouflé. Est batteur de Dick Rivers. A été celui de LoudBlast ou Bretaying the Martyrs, chanteur de Darkness Dynamite et première partie de Death DTA. A même cachetonné au HellFest et au maMA. A été sélectionné pour la finale européenne du Hard Rock Rising à Barcelone. Partage surtout un projet avec Dave Grohl et Alain Johannes (Queens of the Stone Age, Them Crooked Vultures...). Forcément : ça n’aide pas. Et, de l’envie de pastiche, il y aurait de quoi.
Mais du folklore, le chevelu n’en a ni la moto, ni les têtes de mort. Pas fou. Tout juste s’entiche-t-il d’ésotérisme et de méditation. La nature, avant tout. Les fonds psychédéliques de ses clips fait-maison ? Une esthétique, rien de plus. Un horizon. Car de sa vie à Los Angeles, il en conserve le Do it Yourself comme fanion. Batteur depuis ses 4 ans, la basse à 9, premier groupe à 14... La technique ? Il connait, merci. Aujourd'hui, le self-made-man ne cherche qu’à en jouir. Se lâcher et faire plaisir. Plutôt vivre ainsi que continuer à singer. Aussi.
Croyez-le ou non, c’est côté instinct que le fiston se sent une filiation, revendiquant le droit au hasard et à l’inconscient. Et c'est bien son hyperactivité, de la peinture à l'écriture, qui l'empêche de conceptualiser. Rationnaliser. Que faut-il d’autre ? Voilà – enfin – un amoureux des créations mouvantes et fragiles, jusqu’à la nécessité des accidents. Essentiels. Des imperfections, plutôt que l’impersonnel. La recherche de textures, plutôt qu’un son. Pas étonnant que les textes soient des mots jetés en pâture, autour desquels il construit ensuite un mur.
Si son disque dur n’avait pas brûlé, emportant avec lui une quarantaine de compositions il y a quelques années, le p’tit aurait été un artiste trip-hop. Quelques allers-retours dans le désert californien auront tranché : virage rock et morceaux élastiques. A contrario d’une industrie se souciant peu de son bétail. Musique à tiroirs et instantané stoner/progressif qui ne s’éternisent pas dans les micro-détails. Vise l’essentiel. La faute aussi à une Goya Rangemaster de 1967 (Hendryx utilisait celle de 68)… Chacun son grigri.
Deuxième volet de son échappée, « Welcome home : Tryptyk Album vol.2 » vient d'ailleurs offrir un écho plus électrique au premier chapitre (2014). Six titres comme un six-coups, avec Hevenlips et Cactus Seed dans le canon... Un disque expédié seul en deux mois. D'un trait. Car Junior Rodriguez & The Evil Things, c’est avant tout un homme-orchestre. De ceux qui enregistrent l'ensemble des instruments... en une seule prise. Et vlan. Du qui fuit les samples, jugés pas assez organiques ? Cohérant.
Le live ? Même acabit : pas de répétition. Du souple. Du mutant Pour lui, la musique doit évoluer avec le temps, progresse, change suivant l’humeur et le lieu. Ne devrait jamais se figer, trouvant en concert une amplification bienvenue grâce à un quatuor maniant l’improvisation. Le tout, sur fond de projections hypnotiques. Batteur dans l’éternel, ses attaques de cordes restent d’ailleurs rythmiques. Des riffs lourds et imposants, appuyés. Des bastos capables de dominer l’élan et au revoir la neutralité.
Pas de nostalgie.
On vous le dit : ici, on ne joue pas.
On vit.