9 Décembre 2012
9 déc. Le Trianon (Paris). Eux, qu’on croyait en difficulté après s’être vu imposés l’autoproduction, reviennent avec une incroyable énergie en réhabilitant freaks et esprit libertaire. Un punk-rap toujours aussi foutraque et régressif.
Esprit
L’un des premiers tours de force de Stupeflip est d’avoir réussi à imposer sa propre grammaire : l’histoire du C.R.O.U., l'esthétique prononcé des pochettes, les costumes et masques improbables (bicorne, ailes, capuches, t-shirts grunges), les vidéos fantomatiques, les samples bruitistes et autres personnages issus de la mythologie du groupe... C'est ainsi tout un univers qui prend vie à chaque apparition des joyeux drilles. Mais résumer Stupeflip à sa seule forme serait une erreur. Les punchlines – bien qu’absurdes, mais percutantes par son jeu de consonances et de calembours – y sont également pour beaucoup. Mieux : le groupe arrive sans cesse à renouveler son bestiaire habituel (le « mystère au chocolat », le « gang des motards », la « menuiserie », le prosélytisme, l’enfance…), sans sombrer dans la redite. Comme un même morceau décliné à longueur d’albums. Une parodie qui sait se révéler aussi potache que cohérente.
Live
Sur scène, Julien Barthélémy (King Ju, Pop-Hip, Raskar-Kapak) et Stéphane Bellenger (Cadillac) – dommage pour MC Salo, remplacé par Monsieur Santiago – durcissent le ton à coup de guitares tranchantes et de beuglements inimitables. Voire de gentilles provocations (brimades au public, sacrifice de peluche). Ici, on bastonne les tympans à grands coups de bottines. On gueule, on slamme (contre l'avis de la sécurité) et on envoie chier l'establishment dans une ambiance aigre-douce d’insurrection... L’ensemble semble puiser, pour le grand plaisir de la faune hétéroclite, ses références dans les délires de comptoirs et autres bandes dessinées de seconde zone. Joie ! Souvent drôle, parfois inquiétante, la culbute fait chaque fois mouche et trace une filiation certaine avec les Bérurier Noir, The Residents et Suprême NTM.
Quiproquo
Reste que, si effectivement la « musique ne se mesure pas au kilo » – dixit King Ju, leader de la troupe –, le set est plié en un peu plus d’1h (!), troquant brutalement le rappel pour un djing house music en décalage avec la prestation. Aux abonnés absents : « La Menuiserie », « Check Da Crou », « Mon Style En Crrrr » ou « L’Epouvantable Epouvantail »… Décevant ? Ce serait vite oublier une donnée essentielle : le groupe est plus à l’aise en studio que sur scène, préférant pisser des kilomètres de son dans leur studio de la place d’Italie qu’assumer les courbettes (cf les nombreux remixes sur la toile ou les relectures effectuées sur scène). Avec toujours cet équilibre entre humour gras et gravité autobiographique.
Des sales gosses, dîtes-vous ? S’extirper du lot en crachant sur les codes médiatiques et fédérer un public en marge a toujours été leur crédo... Et tant pis pour les autres ou la bienséance ! Au fond, n’est-ce justement pas ce qu’on leur demande : jouer au grand méchant C.R.O.U ?
Qu'on se le dise : on n’a pas l’un sans l’autre.
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Photos : Rémi Le Pogam