29 Avril 2011
Rois du pungle (punk+jungle), le trio nantais a parcouru les tarmacs du monde entier en compagnie, notamment, de Manu Chao et de Gogol Bordello. Assez pour avoir envie d’un retour aux sources avec un cinquième album… autoproduit et électro. Enjoy !
23h, un mardi soir de printemps. Ils sont cinq, entassés dans un mini-bus, configuration réduite oblige. Car l’engin file à vive allure, en retard. Trop pressé d’arriver en Espagne (où l’album sort trois semaines avant la France) pour le premier tour de chauffe à la sortie du nouveau dix titres. Les uns regardent un dvd, hilares. Les autres scrutent les lueurs de la nuit s’échouant avec hâte contre les vitres. Il fait bon. L’ambiance est détendue, joviale. Chacun est prêt à aller défendre ces nouvelles couleurs. Le trajet ne s’arrêtera que dans les environs de 3h du matin à Toulouse, pour embarquer le dernier enrôlé de la bande : Cédric, aka Undergang.
Qui ? Un auteur-compositeur-interprète break-beat et électro-rock, découverte du Printemps de Bourges en 2004. « Nous voulions réhabiliter les machines. Les gérer en live, à la mano », lance Arnaud (guitariste), « il nous fallait donc quelqu’un de très polyvalent comme lui pour doubler les guitares, faire des chœurs et gérer les machines. Il est aussi batteur, mais le poste était déjà occupé… (Rires) Il nous accompagnera en tournée pendant 2 ans. On verra plus tard. » Car, une chose est sûre, la patte de La Phaze reste intacte : des riffs puissants et une batterie dynamique, au service d’une électro engagée.
2008 : sortie de l'album punk-rock "Miracle". La tournée dure 1 an 1/2 et les mène dans 23 pays. Rien que ça. « Les vacances, ça n’existe pas pour nous ! » On les croit sur paroles. Car pendant les 6 mois de pauses « officielles », Arnaud en a tout de même profité pour tourner avec Hint et Ez3kiel, puis Damny (chant) a sorti un album solo. Et c’est sans compter l’écriture de ce nouvel album.
Pourtant, il ne reste plus qu’un seul morceau de « Miracle » dans la set list préparée pour l’Espagne, preuve que la page punk-rock est tournée. Quant aux anciens morceaux, ils sont réédités dans une version électrique plus énergique. Un choix assumé pour Arnaud : « Il fallait rester cohérent. Et encore, la majorité des nouveaux textes est en anglais. Ce n’est pas anodin… » Et comment se passe cet import-export ? « Les étrangers ne nous font pas de procès sur notre origine culturel, ils sont avant tout impressionné que trois types puissent développer autant d’énergie. Ils n’ont pas trop de groupes dans notre style, mais nous avons un son très international. Les gros beats, ça transperce la barrière des langues. Après, se développer à l’étranger, c’est difficile. Tout d’abord, parce qu’il faut faire des concerts assidus sur place pour s’implanter. Chaque pays est un vrai nouveau départ. On retrouve nos conditions de jeu d’il y a 11-12 ans, à nos débuts. Ca te remet les pieds sur terre. De toute façon, on est choqué de rien, du bar miteux au Mexique en passant par la friche de Hongrie. Voir du pays, ça fait du bien à la gueule, ça ouvre les yeux. Mais on n’oublie pas la France, ce sont juste des tours de chauffe. Il ne faut négliger toutes les cartes. On se met juste en danger techniquement et financièrement. » Brillant exercice d’équilibristes.
Justement, « Psalms and revolution » sente l’expérience et la poussière. « On mélange toujours des éléments world au fur et à mesure de nos voyages », poursuit Arnaud, « mais on ne veut pas y aller avec nos gros sabots. Tu te laisses forcément imprégner, mais l’idée est d’en ressortir avec ta personnalité. Nous voulions revenir à quelque chose de plus léger, de plus souple. Moins pogo et invasion sur scène, pour ne pas se répéter. Mais les morceaux ont déjà pris des arrangements supplémentaires depuis leur enregistrement. »
Et les textes ? Damny enchaîne : « Mon album solo a permis de me retrouver, m’a aidé à me dévoiler. La plupart des chansons étaient éditées, il y a déjà quelques années, sans que je sache ce que j’en ferai. » Pause. Ça rigole de plus belle, derrière. Puis rajoute « Le fond est désormais moins politique, moins « anar », avec plus de textes persos et des chansons plus légères. « Temps de chien » a par exemple été naturellement écrit en Français, pourtant la thématique n’est pas identifiable tout de suite : le déni de grossesse. Pour « Secure world », cela m’a été inspiré par des reportages sur les prisons juvéniles en Suède. Sinon, de manière générale, je sais que ne suis pas un grand parolier, donc j’ai laissé plus de place aux mélodies sur cet album. Ca se ressent. » Il suffit d’écouter l’énergique single éponyme pour se rendre compte que le chant se fait effectivement parfois en pointillé, donnant la part belle aux retours des machines.
Pourtant, nous étions restés sur un groupe très vindicatif, engagé… « Ah, mais je reste naturellement irritable ! (Rires) », répond Damny. « Ces dernières années, nous nous sommes effectivement beaucoup investis dans des actions. Ca nous a parfois desservi, mais je ne tire pas sur l’ambulance, c’est nous qui l’avons cherché. Maintenant, je suis moins dans l’agressivité permanente – et surtout pas dans la résignation ! –, car l’état de colère, c’est épuisant. J’ai pris du recul, réglé mes comptes avec moi-même. Je sais que rien ne changera fondamentalement, mais la vie n’est qu’une suite de petites victoires. Pour autant, si je suis plus serein, les tempos restent élevés, avec plus de relief. Les moments d’amplitude sont différents. Les basses restent également généreuses et les médiums agressifs. Le public nous attend là-dessus ! » Qui mieux alors que le graphiste parisien Hamzat, rencontré par l’intermédiaire de Keny Arkana, pour emballer le tout d’un artwork inspiré.
L’enregistrement ? Depuis le temps, le groupe doit maîtriser le sujet. En chœur : « Pas de gros studio, pas d’intervenant, ni de producteur. Personne pour écouter, retoucher et/ou requalibrer. Nous voulions un objet à notre image. Ca a été salvateur ! Nous avons repris du plaisir à jouer, à écrire. Hormis la licence Because pour la France, nous restons maître de nos réseaux de distribution internationaux. Bref, on a repris les rennes… Et, pour être honnête, même le label nous le conseillait ! » C’est noté. Résultat dans les bacs. Gageons que le public va prendre goût à ce retour à la liberté. La Phaze : finalement l’un des groupes français les plus cohérents. Après les textes, les actes.