1 Juin 2013
Railleuse à la voix douce et à l’agenda très rempli, Virginie Berger – ancienne directrice marketing de MySpace – a monté sa propre agence en stratégie (Don’t Believe the Hype). Spécialisée dans le développement d’artistes et les technologies émergentes, elle travaille notamment avec Misteur Valaire, le Midem, Musique Info et Radio Neo. Elle a écrit « Musique et stratégies numériques » (Irma).
Le leak/ « Il faut impérativement que ce soit l’artiste qui décide de mettre en ligne ses morceaux, de façon gratuite ou non. Même la Quadrature du net – l’association de défense des droits et libertés des internautes – renie cette méthode. C’est de l’irrespect total ! James Murphy (LCD Soundsystem), à qui c’est arrivé, expliquait que le leak en lui-même ne le gênait pas. Seul le choix d’une temporalité qui échappe à son contrôle semblait plus problématique à ses yeux.
Après, pour le cas Daft Punk, certains imaginent un complot de la maison de disques (Colombia) pour promouvoir leur dernier album… Difficile d’y croire étant donné la lourde stratégie de communication et vu le statut international des deux artistes. Au moins les ventes suivent, ce qui n’est pas forcément le cas du dernier Phoenix qui a subi le même sort. Peu de buzz, au final.
Contrairement à Foals ou Kavinsky, le dernier Bowie (et la mise au secret de sa sortie) n’a pas fuité… C’est donc possible ! Le problème, c’est que cette mise en ligne illégale du contenu d’un album avant sa sortie officielle entraîne obligatoirement une méfiance des acteurs. Que faire ? Faire des échanges à l’ancienne, en physique, comme pour l’album commun de Kanye West/Jay-Z. Et ne pas envoyer de copies aux journalistes (même watermarkées – ndla : tatouage numérique nominatif). Quoi d’autre ? Il existe trop d’intermédiaires qui mettent en ligne sur Deezer, Spotify… Le taux de fiabilité est faible et la fuite peut provenir de partout.
Bien sûr que des stratégies pour lutter contre le leak existent au sein des maisons de disque, mais elles sont toutes empiriques. Le pire, c’est qu’il n’existe aucune étude sur son véritable impact – positif comme négatif – sur les ventes. »
Rapport Lescure/ « On ne peut effectivement pas dire que le rapport soit révolutionnaire. Ce sont juste des constats auxquels il répond : Hadopi, Csa, etc. Mais, attention, quand c’est trop révolutionnaire, on n’applique pas forcément non plus… Nous sommes en plein paradoxe. Juste que c’est dingue, quand on y pense, qu’il a fallu Lescure pour faire des constats...
J’y lis qu’il faut reparler avec les consommateurs, reconnecter l’usager… mais il n’y a rien pour ! Les invités des tables rondes sont surtout des entreprises. Bref, c’est un rapport objectif, précisons-le, mais de professionnels pour des professionnels.
Des solutions ? Oublions la licence globale. L’idée est enterrée depuis 5 ans et le monde a changé : arrivée de Google Music (ndla : service d’écoute en streaming), toute puissance d’iTunes avec son milliard de téléchargement… De plus, il existe trop de paramètres européens. Qu’on se le dise : on ne trouve pas ! Et on ne trouvera pas ! Il n’existe aucun business modèle viable, le streaming stagne, les médias s’écroulent et les industries sont en récession…
Désormais quand tu achètes une voiture neuve (ndla : Peugeot), tu reçois un an de téléchargement de musique offert par Universal Music… Voilà à quoi est réduite la musique : un produit de consommation lambda, voire annexe. À terme, le fossé avec la scène émergente va davantage se creuser. On ne pourra plus être artiste à plein temps, ni gagner d’argent sur ses créations…
Certes, Fauve et Concrete Knives ont fini en distrib’ ! Mais il existe trop de supports différents pour émerger, trop de paramètres qui expliquent que – même si on trouve une martingale – elle ne pourra qu’être d’individuelle. Réadaptée, redimensionnée à chaque nouveau projet. N’émergeront que les originaux ou les pionniers… C’est la fin de la stratégie collective ! »