Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Gérard Pont : « c’est la mort de l’éditorialisation »

Producteur de télévision (Morgane groupe) et directeur artistique du festival des Francofolies de La Rochelle, le Brestois – ancien étudiant supérieur de commerce – fait parti du Who’s who. Avant de réaliser des documentaires et de, notamment, placer des émissions de télévision sur le service public, Gérard Pont fut notamment libraire, journaliste à France 3 et responsable de la communication à Relais H.


Gerard-Pont.jpg« Taratata et
CD’aujourd’hui sont des programmes nés à une époque où on ne trouvait pas autant de musique sur les chaînes. Ce n’est plus la même consommation ! La preuve : mes filles écoutent et regardent la musique sur leur ordinateur. Et puis, arrêtons avec Taratata. (j’adore Nagui, hein) Deux raisons : un live au Grand Journal de Canal+ ou à C à vous sur France 5 fera toujours vendre plus de disques. Il ne s’agit pas de se faire plaisir. On ne doit pas faire des émissions pour soi, mais pour les autres… Ensuite, il faut pouvoir donner sa chance à la nouvelle génération. D’autant que, si le programme est, certes, arrêté, il est remplacé par plusieurs… Au final : il y en aura encore plus de musique ! Si on peut donc regretter un grand disparu, c’est la variété, pas la musique.

Si les émissions ne se pérennisent pas, c’est uniquement parce que le concept est usé. Ou parce qu’il faut de la nouvelle tête (car, au final, c’est toujours le même concept décliné indéfiniment et chaque année). Regardez l’émission « En direct de » que je produisais avec Ray Cokes : elle était excellente ! C’était une vraie marque. La direction de France 4 l’a tout de même supprimée de l’antenne parce qu’elle avait peur que le public ne s’identifie pas au présentateur, soit disant parce qu’il avait des cheveux blancs... Une connerie ! Ce type était très bon (BBC, RTBF, Arte… un sacré cv !) et sa remplaçante n’avait pas la même carrure. Bon, après, c’est moi qui produit actuellement « Monte le son ! » sur la même chaîne. Je n’ai pas perdu au change… Preuve que la musique n’a pas disparu, d’ailleurs !

Avouons un secret : les émissions de live n’intéressent personne, sauf si c’est de l’exceptionnel. Exemple, sur une de nos productions en juin dernier : nous avons eu 3 millions de personnes pour la Fête de la musique, mélangeant classique, lyrique et variétés. Le tout, en direct des chorégiesd’Orange et sur France 3. Joli, non ? Attention, le service public, c’est du 50-60 ans. C’est Sheila et compagnie qui marchent. Du pointu sur France 4, du généraliste sur France 2, du seniors sur France 3. Ne jamais oublier.
Ce que je n’aime pas ? Les plateaux avec des types qui parlent musique. Je préfère l’axe reportage, comme l’émission
Rapido, dans les années 80, sur Canal+. Très bon exemple, ça ! C’est d’ailleurs une douleur pour moi : il devient extrêmement difficile de faire diffuser des documentaires (heureusement que certains pays étrangers continuent à m’en acheter). Arte le fait encore un peu, mais uniquement thématique et… estival. Exemple : le festival breton Elixir (1979-1985), le premier de France ! On fait un documentaire dessus… Personne ne veut l’acheter ! Pourtant, c’est sociétal, musical… Tout ce qu’on veut.

La fin de grands rendez-vous

On-air.jpgAujourd’hui, quand un artiste sort un single, il n’y a plus de grand rendez-vous pour le lancer. À l’époque, c’était Drucker qui lançait Patricia Kaas… il y avait Foucault, Guy Lux… (ah si, tiens, il y a l’émission d’Aznavour qui est pas mal, oui). Vous savez quoi ? J’aimais Chabada sur France 3. Rien à voir avec Daniela Lumbroso. J’y ai découvert, mine de rien, des chanteuses comme Irma. Et puis, il y avait un ratio rapport qualité/prix intéressant (c’est le producteur qui parle, là…). Reste quoi pour lancer un artiste, alors ? Danse avec les stars… Rigolez, tiens. Regardez Emmanuel Moire ! Son album a explosé après qu’il y ait dansé et parlé de son frère décédé.

La radio ? C’est pire : ultra formatée. Le pouvoir est dans les mains de dix frileux. Si aucun d’eux ne bougent, personne n’ose ! Il y a de moins en moins de rédactionnel et plus aucun disque ne peut passer à l’antenne sur un simple coup de cœur d’un programmateur. C’est le marketing qui a pris la main… Mais passe-t-on encore de la musique ? Ca, oui. Plus que jamais ! C’est de la mort de l’éditorialisation dont nous devrions nous préoccuper… »

> Portrait Gérard Pont
> Interview Olivier Bas

© B.Turquier

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