Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

« Sunshine » de Danny Boyle : Abyss in the Space

Dans l’espace, personne ne vous entendra copier.

Le père de « Trainspotting », « La Plage », « 28 Jours Plus Tard » ou du familial « Millions » nous fait le coup du recyclage réussi, mais coûteux. Si le film multiplie les références, ce sont davantage la psychologie des personnages et les aléas de l’intrigue qui se consument sous les assauts d’un charismatique mælström de couleurs et de basses saturées. Une expérience esthétique éprouvante, sous le Soleil exactement.

 

Fait particulier, le scénario est compréhensible par tous mais ne suffit pas à résumer sommairement le film. Dans un futur proche, la Terre est soumise à un hiver polaire dévastateur qu’une première mission spatiale n’a pas réussi à empêcher... Une équipe de scientifiques part donc à bord de la navette Icarus II pour lancer une nouvelle bombe contre le Soleil afin de l’aider à renaître. Malgré son joli emballage, la bande annonce a, au premier abord, de quoi déconcerter... Dopée par l’indispensable BO de « Requiem For A Dream » (Kronos Quartet), elle peut laissé présupposer à un pastiche luxueux et plus adulte d’ « Armageddon » ou de « Fusion » (The Core), transformant Boyle en Micheal Bay dealer-de-blockbusters-estivaux. Mais heureusement, il n’en est rien. La virtuosité technique évoque principalement le stress de la Saga « Alien », les envolées lyriques de « Mission to Mars », la beauté de « The Fountain » et le huit clos de « Solaris ».

Sunlights des Tropiques
Les expérimentations visuelles de Danny Boyle sont abouties et donnent le premier rôle au Soleil lui-même, de la même manière que Backdraft l’avait donné au feu. Un clin d’œil à la légende de l’antique Icare, trop fasciné par l’astre pour en oublier ses brûlures. La première partie du film impose une lenteur bienvenue qui, même si l’apesanteur y est maîtrisée, renforce l’idée de flottement et d’isolation. Les lumières indirectes des néons et les grands espaces vides du vaisseau installent une ambiance glaciale et technologique, à renfort d’échos grinçants, lourds et sombres. La maîtrise est alors parfaite et favorise la tension latente en boostant la suite des événements. La deuxième partie est une succession de plans serrés et d’accélérations réussies, de flous artistiques et de cassures de rythme qui accompagnent judicieusement le propos. C'est un constant feu d'artifice de couleurs que l'on partage avec les protagonistes.

Jouer avec le feu
C’est davantage du côté de son traitement que le film peut diviser. Danny Boyle nous a habitué à des retournements de situation plus aboutis et une psychologie des personnages plus travaillée. Le spectateur n’a pas le temps de jouer les voyeuristes en surprenant des scènes d’intimité entre l’équipage (pourtant en mission depuis 2 ans) et ne peut donc pas s’apitoyer sur le sort des sacrifiés. C’est un choix subjectif qui permet de ne pas se voir servir le traditionnel couplet caricatural sur le patriotisme, mais qui prive de quelques instants larmoyants d’émotions. Le viril Bruce Willis est ici remplacé par un sosie de James Blunt sans véritable caractère (déjà présent dans « 28 Jours Plus Tard») et ancré dans son style "anti-héro moderne" dépassé par les événéments. Elément pourtant intéressant, même le psy du vaisseau, au prise avec une morbide fascination solaire, n’est pas plus exploité. Et l’apothéose finale, dont l’issu est repérable dès le début du film, parvient tout juste à effacer les références bibliques superflues. 

Le Roi Soleil
Le film éreinte tout de même le spectateur à grands coups de violons et d’éruptions, même si sans grandes trouvailles il reste un best of des meilleures scènes des films du genre... On sort du film stressé, à bout de souffle et complètement vidé. Envoûté par ce Soleil qui peut autant nous détruire qu’il nous fait vivre. Subjugué par les lents temps morts et ces couleurs chaudes qui éclipsent les quelques faiblesses que ne relèveront que les exigeants de l'écriture. Compatissant d’avoir essayé d’intégrer, même maladroitement, une dimension métaphysique plutôt que de l’action musclée. Un film-hommage terriblement efficace, plutôt qu'original, qui n’exclut pas pour autant la patte personnelle du maître.

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