20 Janvier 2007
A peine arrivé, le petit nouveau joue déjà les fayots au premier rang. Car si pour l’instant il n’inquiète pas les classiques du genre, situés au fond de la classe près du poêle en fonte, le Serious Game compte jouer les squatteurs pour encore longtemps. Son but ? Décomplexer pôpa et môman, persuadés que le jeu rime avec une moquette en jachère dont les seuls habitants sont des chips ou des cadavres de bouteilles.
L’apparition des systèmes de sauvegarde informatique a favorisé l’évolution des jeux de rôle sur table en jeux RPG au début des années 90. La suite, tout le monde la connaît… Des quêtes interminables vers d’obscures contrées ou autres énigmes provoquant des cernes tellement grandes que l’on peut marcher dessus. Mais si chacun d’entre nous a connu cette palpitante situation (si si !), il était normal de voir un jour la revanche de notre entourage, plongé dans l’incompréhension lorsque les yeux révulsés et la bave aux lèvres nous ne pouvions nous résoudre à aller à table sans avoir sauvegardé. Car oui, l’heure des représailles a sonné et il en est fini de passer pour un décérébré asocial et incompris. Pôpa et môman ont trouvé la solution : combattre le mal par le mal !
Tous nouveaux, tous beaux, les Serious Games (ou Edumarket) sont tout simplement des jeux éducatifs, généralement sous la forme de didacticiels gratuits. Alors que le but du RPG était de faire évoluer notre personnage à travers une expérience du terrain ou la collecte d’objets (et dire que vous grogniez quand votre copine vous suggérait un après-midi shopping !), le Serious Game se base sur l’expérience du joueur, et non de son personnage. Si la qualité est forcément relative aux hits commerciaux, l’accent est ici mis sur le message : la sensibilisation aux campagnes d’alimentation avec Food Force ou l’UNICEF, les soucis énergiques avec Technocity, les problèmes médicaux (diabète, cancer) avec les Games For Hearlth, la résolution pacifiques de conflits avec A Force More Powerful ou CityZone, voir même l’entretien des neurones (en version commercialisée) avec le Dr Kawashima. Les exemples ne manquent pas… « Le jeu est responsable de votre dépendance ou de votre état ? Le jeu va vous sortir de là. » L’argument a de quoi faire rire.
Et l’engouement est tel que l’on peut y noter quelques dérives. En effet, si les Serious Games ont pour unique but de réveiller nos comportements citoyens, le mouvement se fait très vite rattraper par les initiatives publicitaires (Advertising Games). Mister Reach in the Mouth of Mistery a notamment développé un important budget pour la promotion d’ustensiles dentaires canadiens. Les graphismes rappellent la grande époque des Monkey Island de Lucas Arts, mais on imagine mal à l’inverse un personnage RPG cassant la croûte dans un fast food avant l’attaque d’un donjon. On a même vu l’apparition de Hair-Be 12 qui apprend à gérer un salon de coiffure l’Oréal. Pire encore, America’s Army a pour seul but d’améliorer l’image de l’armée américaine et d’inciter les jeunes à s’enrôler. La propagande américaine tente par tous les moyens d’apparenter son bébé aux Serious Games un investissement de 7 millions de dollars sur 10 ans, revendiquant la « portée civique » de son jeu. Une initiative moins fun que le délirant « In The Navy ».
En somme de quoi pouvons-nous nous réjouir ? Les Serious Games ne vont certainement pas prendre la place des jeux RPG, mais vont au moins rassurer votre entourage. Et c’est un pas presque franchi vers l’e-learning (l’apprentissage en ligne). Attention donc au prochain anniversaire ou aux fêtes en tout genre, le piège pourrait bien se refermer sur vous. Et après tout, au mieux, c’est une excuse déjà toute trouvée. Lorsque l’on vous priera de rejoindre les invités ou de faire vos devoirs, vous pourrez enfin répondre, les yeux livides et les mains tremblantes : « Mais maman, il faut absolument que je joue pour devenir intelligent ! ». Et toc.
Forum Européen du Serious Game
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