Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Communauté Bears : la barbe à papa


Austère, négligé, kitch ou ringard, on croyait le poil enterré pour quelques décennies. Mais c’était sans compter sur quelques insurgés qui, troquant l’aseptisé Monsieur Propre pour un brin de désinvolture, remirent au goût du jour la tradition gauloise. Portrait des nouveaux barbus en marge de la culture gay.


Virilité et sagesse, telles étaient les vertus attribuées à la barbe. De Marx en passant par Victor Hugo, Darwin et Pasteur, l’imaginaire collectif barbu est avant tout peuplé d’hommes de lettres ou de sciences... La pilosité façonnerait-il une image d’érudit et de maturité ? Il faut croire. Et même si au début du XXe siècle l’Affaire Landru faillit faire disparaître cette mode quasi-capillaire, les babas cool surent y donner une nouvelle direction. L'occasion de contester la société et ses dogmes. Carlos, Demi Roussos, Corbier et Antoine... Tous ont réabilité la lubie. Aujourd'hui, on croyait naïvement la barbe réservée aux enseignants d’universités ou aux marginaux Ben Laden et Fidel Castro. C'est faux.

Apparue semble-t-il à San Francisco dans les années 70, la communauté Bears a toujours cultivé la virilité. Loin de la house survoltée des bars homos où une armée de Boys Band suçote son agitateur à cocktail d’un air suggestif, les Bears affirment leur masculinité en rejetant les codes efféminés. La communauté, dopée par l’explosion d’Internet, accueille tous les exclus sans discrimination d’âge, de poids et de pilosité. Oubliez la moustache velue des Village People et de Freddie Mercury ou la barbe travaillée du séduisant George Michael. Ici, on fuit le cliché.

Depuis quelques années, il existe donc des clubs et des associations sur l’ensemble du globe, notamment en Amérique du Nord, en Angleterre et en Allemagne. Et si en France nos amis poilus se sont fait plus discrets, ce serait en raison de la tradition imberbe latine et du rejet des sentiers gay traditionnels. Les Bears espèrent bien plus d’une banalisation que d’une discrimination positive. Paris Nours, Ursus France, Bears France, Bears Club France, AllBears ou MIF... Ces clubs se battent tous contre les diktats des publicités estampillées Jean-Paul Gauthier et attirent des dessinateurs renommés tels que Logan, Christophe Jannin ou Jordan Samper.

Il faut donc avouer, sans être rasoir pour autant, que le poil ne fait hélas pas son retour en force. Il a toujours été là.


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