16 Mai 2008
Restaurants gastronomiques, étalages de marché, sites Internet spécialisés… Tous réintègrent désormais avec audace des légumes anciens ou oubliés dans leurs menus. C’est ainsi le grand retour du panais, du topinambour ou encore du salsifis, tombés en désuétude depuis plusieurs décennies.
Au cours du XXe siècle, le volume des espèces et des variétés de légumes consommés a décliné au fur et à mesure des avancées de l’urbanisation. Le développement de nouveaux modes de production et de distribution a conduit à restreindre l’offre en matière de diversité. L’exode rural entraînant une baisse de la main d’œuvre et la déprise agricole (abandon de l’activité de culture ou d’élevage) de certaines zones de faible productivité, l’agriculture intensive et de masse a supprimé les plantes à faible rendement et poussé à investir plus pour palier au déficit.
Il ne faut pas négliger non plus les conséquences des pénuries en temps de guerre qui poussèrent à la surconsommation de certaines variétés, provoquant par l’abondance un dégoût relatif et post-traumatique. Les affres de la restauration collective ont, elles aussi, parfois participé à certains bannissements dans les nouvelles générations. On estime ainsi aujourd’hui que sur l’ensemble des variétés comestibles cultivés il y a cent ans, près de 75% ont disparu.
Une situation inquiétante dans un monde qui bascule vers l’obésité
Quelques irréductibles remettent au goût du jour ces légumes oubliés tels que le crosne du Japon, le cerfeuil tubéreux, la carotte jaune longue du Doubs, la pomme de terre suédoise bleue, la betterave chiogga, l’arroche des jardins rouge. Certains ont d’ailleurs bénéficié d’un effet de mode comme le retour d’Halloween en France. Ainsi, les cucurbitacées, le pâtisson, les coloquintes ou le potimarron connaissent depuis dix ans un nouvel engouement en automne, envahissant aussi bien les décorations que les assiettes.
Même la recherche scientifique a recommencé à valoriser les vertus de végétaux oubliés et sous-estimés, faisant davantage état de leurs vitamines, de leurs minéraux et de leurs fibres. De récentes études, relayées notamment par le livre "Alternative Medicine and Rehabilitation" en 2003 sur les atouts antioxydants des polyphénols (des molécules organiques), offrent des perspectives intéressantes dans le traitement et la prévention du cancer, des maladies inflammatoires, cardiovasculaires et neurodégénératives.
Influence perceptible dans l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique
Les cuisiniers, en particulier ceux de la cuisine gastronomique ou traditionnelle, se sont eux aussi réapproprié certaines saveurs, en offrant de nouvelles perspectives culinaires à leurs plats. Cardons, tétragone, ficoïde, pissenlits, orties sauvages, salicorne, nèfles, baies de sureau… Chacun sollicite ces sensations oubliées jusqu’alors, en combinant les couleurs, les formes, l’originalité et la nostalgie d’antan. Des chefs comme Marc Veyrat ont pris l’habitude de se fournir dans les sous-bois, louant les qualités de la menthe sauvage, du crocus sylvestre, de l’oxalis ou autres baies et champignons peu utilisés.
Effet garanti: la curiosité des consommateurs urbains est attisée
Pourtant, le problème n’est pas récent et certains militent depuis des années pour ce retour. Bernard Lafon, par exemple, est à la tête de sa ferme "Oh légumes oubliés" depuis 1977. Ce producteur de Sainte-Marthe (à 15 km de Bordeaux) est un amoureux de la biodiversité et des plats de son enfance. Il réhabilite, valorise et vend des pâtissons, du pourpier, du sureau, du vergus du Périgord, du navet noir ou encore de l’amour en cage. Il s’agit actuellement d’un des lieux les plus visités de la Gironde.
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