Le premier long-métrage de Jan Bonny a bénéficié d’une première mondiale au festival de Cannes dans la catégorie Quinzaine des Réalisateurs. En consacrant son sujet à la violence conjugale exercée sur les hommes - fait méconnu et sous-estimé - le réalisateur rappelle l’une des fonctions premières du cinéma au-delà du simple divertissement : interpeller et provoquer la réflexion.
Georg est un policier allemand, reconnu pour son apparente stabilité. Pourtant, sa vie conjugale bat de l’aile. En effet, lui reprochant sa lâcheté et sa constante empathie, sa femme Anne le bat dans l’intimité. Une situation inavouable socialement par Georg qui lui reste tristement fidèle. Le film se résume donc à une confrontation directe au sein même d’une intimité qui a su depuis longtemps s’isoler de l’extérieur.Pas étonnant de constater que la production du film fut confiée à Bettina Brokemper (Lars von Tier, Thomas Vinterberg).Sans renouvellement du cinéma réaliste, le sujet touche par son traitement classique et sans surenchère. L’absence d’artifice permet au contraire de mieux s’interroger en évitant le racolage et la généralisation du propos. Ici, la complaisance n’a pas sa place et les protagonistes ne sont pas manichéens pour autant, laissant libre le jugement du spectateur. La domination et l’humiliation font alors face sans que des mots puissent l’expliquer, constituant une des grandes réussites de ce film.
L’un Le choix des acteurs est pertinent dans leur apparente banalité. Leurs physiques savent ainsi s’extraire du statut de victime. Impression renforcée par l’urbanisme vieillissant d’une Allemagne qui vit perpétuellement son deuil. L’homme affronte ses peurs silencieuses, encerclé par sa vie professionnelle (rivalités jalouses entre collègues) et sa vie personnelle (une femme névrosée d’une angoissante réalité, le chantage affectif de la belle-famille, des enfants déserteurs) que fera voler en éclat une promotion sociale. Seul, Georg s’enferme dans un jeu d’arcade pour pleurer dans une sublime métaphore du cocon qu’il ne fera partager qu’à une collègue tentatrice.
L’autre A travers des regards, des gestes, le spectateur identifie notamment au fur et à mesure le manque de reconnaissance parentale d’Anne. Le personnage se déteste tellement qu’elle exerce un transfert évident sur son entourage. Mais si les coups sont accentués, l’histoire ne connaît pas le paroxysme qu’elle pourrait le laisser supposer. Au contraire, la folie se lit davantage dans les yeux de Anne que dans son hystérie. Là encore, le film ne se veut pas grossièrement démonstratif et parvient ainsi à nous atteindre et, comme son protagoniste, à nous blesser.