16 Août 2007
On connaissait le goût immodéré des japonais pour les monuments intellectuels français (Alain Delon, Mireille Mathieu, …), les sous-vêtements en coton, les Karaokés et les tentacules friponnes. Fini de rire ! A la rentrée, l’Empire du Soleil Levant exporte son concept-bar nippon à Paris.
Comment ?
Certains se souviennent peut-être de la bunny girl. Une serveuse affluée d’un justaucorps, d’escarpins, d’un nœud papillon et d’une fausse queue de lapin... Initialement attribué aux serveuses des bars Playboy (en référence à la mascotte du magazine), le concept avait gagné bon nombre de boîtes de nuit douteuses des 80’s.
Quoi de plus normal en pleine époque Collaricocoboy, Emmanuelle, publicités sexistes et cartes postales vintage improbables. Une fois Mai 68 digéré, on pouvait alors montrer le corps féminin sous toutes ses coutures et sous n’importe quel prétexte, traitant les réfractaires de censeurs, et tant pis pour ce qu’en pensaient les intéressées. Puis les féministes apparurent et on enterra le corps nu aussi vite que la société l’avait offert en pâture…
Un bar-fastfood tenu par des soubrettes ? Des pays occidentaux, tels quel’Italie et le Canada, s’étaient déjà essayés à cette mode nipponne. A Paris, l’initiative reste presque inédite. Il y a bien eu le salon Japan Expo 2006 et son Maid Café CCO Cha, mais rien de plus... Sur place, le spectacle se limite au plaisir des yeux et la serveuse attentionnée s’adonne à des « Bonjour chéri » ou des « Bien travaillé aujourd’hui, mon ange ? » De quoi alimenter l’imaginaire de dominateurs en puissance devant une armée de nymphettes candides aux positions lascives.
Pourquoi ?
Alors que la transgression, le fait de dépasser son statut sociétal pour vivre en secret ses vices, peut expliquer une bonne parties des pratiques - dite hors normes -, le fait de vivre au grand jour ce fantasme s’explique ici par une régression assumée. Au Japon, les valeurs morales sont importantes et leurs apparences sont exacerbées. Le fétichisme apparaît donc comme un rejet du refoulement et permet de s’échapper des dogmes. Mieux, c’est un exutoire teinté de revanche sociale et de nostalgie. L’ego reprend sa place face aux dons de soi qu’impose le monde du travail. Et dans cette société répudiant l’échec, l’engouement pour la sphère privée féminine et sa représentation, l’exposition de sa marginalité face à la masse ou l’accès à l’inavoué s’en trouvent amplifiés. Le « Fan Service » servait déjà à alimenter les mangas en fantasmes : scènes de douche, poitrines animées (« Gainax Bounce ») ou gros plans sur les culottes (« Panty Shot »). Le Maid Café restitue, lui, ce fantasme virtuel dans un quotidien qui cultive les icônes pop, colorées et volontairement décalées.
Reste à noter que cette tendance correspond à une réalité sexuelle et culturelle dans un pays où les sous-vêtements surpassent la nudité dans l’inconscient collectif et où la notion de pédophilie a été tardive. (La loi date de mai 99) La femme japonaise est ramenée à sa simple maternité quand les adolescentes véhiculent à l’inverse une innocence lubrique. Ainsi, en France, à l’exception d’individus en mal de spectacle et d’exotisme, le Maid Café pourrait très probablement rester anecdotique. Résultat d’une sexualité culturelle, disions-nous.