Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Compte-rendu 7e KAZ’OUT MUSIK FESTIVAL 2019

Compte-rendu 7e KAZ’OUT MUSIK FESTIVAL 2019

1er et 2 novembre 2019 (Pamplemousses, île Maurice)

NOM : “Kaz’Out“ signifie « hors de la case »... Une définition parfaite, sur le fond comme sur la forme : d’un côté un festival de musique en plein air (incitant à sortir de chez soi) ; de l’autre une programmation hors format (obligeant à fuir les clichés). Synonyme ? Ouverture.
HISTOIRE : créé en 2013 par Lively up, structure cofondée par Lionel Permat et Laura Hebert (et, fait rare à Maurice, faisant la promotion de la musique locale). Le festival a été malicieusement placé le 1er jour de l’été (dans l’hémisphère sud) et donc du début de la saison... Tout un symbole.
CADRE : trois scènes sur les pelouses du musée l’Aventure du sucre (une ancienne raffinerie de 6 000 m²) à Beau Plan, avec bougainvillées et cocotiers ; lendemain à l’hôtel Mystic avec piscine à débordement ; en dehors du festival, les fanions ont inondé les rues en vue des Législatives semaine suivante.
MÉTÉO : chaleur modérée mais constante [1er jour de l’été dans l’hémisphère sud et donc début de la saison] ; ciel couvert et nuit noire venteuse.

FRÉQUENTATION : 3 000 festivaliers (Kaz’Out rimant pourtant avec sold out, c’est la 1re fois que l’édition affichait complet) ; plus d’une centaine pour les dj sets du lendemain ; chemises et shorts repassés de rigueur.
LES TRUCS EN + : la qualité des stands (artisanat, vinyles, tatouages éphémères, restauration éclectique…) ; l’ambiance sereine ; la sous-représentation du sega (rythme traditionnel de l’île) ; un Kids Corner avec coin sieste, jeux, ateliers et parking poussette pour les enfants.

LES LOCAUX PROGRAMMES
* Roots Blakarol : seggae (sega + reggae) de très bonne facture en ouverture ! Propre.
* Hans Nayna : on avait déjà croisé le Bryan Adams de Maurice à Madagascar (où le public avait injustement non réagi, plus habitué aux rythmes nationaux plus rapides). L’ensemble est de très bonne qualité (vraiment), mais reste malgré poli dans ses intentions, peinant parfois à se mettre en danger et créer ainsi une émotion.
* Anne Ga : sans doute l’artiste locale la plus internationale/exportable de la journée ; avec son timbre de voix et sa fraicheur, la reine de l’indie pop fait presque penser à The Cardigans. Étant donné les difficultés à rayonner depuis l’île, la chanteuse déménagera-t-elle ? On lui souhaite.
* Ila Rio : batteur faisant ses programmations, avec quelques envolées tribales (mais tonalité générale sucrée… on reste dans les îles) ; excellente reprise et adaptation de Chris Isaak “Wicked Game“ – plus convaincante que celle de Stromae “Tous les mêmes“ (dont le texte est pourtant une audace ici).
* Manu Desroches : multi-instrumentiste ayant exercé au sein du duo Klak ou du groupe Tritonik. Presque 20 ans plus tard et se produisant enfin en solo, l’expérience est palpable dans son assurance et ses registres de voix.
* Konnekte : savant mélange entre sons mauriciens, indiens et africains, les jams du groupe (9 musiciens sous la tente) étaient parfaite pour animer le village.
* The Prophecy : presque en mode automatique, le groupe a compris rapidement comment leur seggae permettait d’avoir rapidement l’adhésion d’une assistance élevée à la soul, au dancehall et autres hymnes créoles. Une prestation sans fausse note, ni… prise de risques.

LES FRANCAIS
* DuOud : duo d’origine algéro-tunisienne (et drôle dans la vie) a su mélanger habillement l’improbable, entre ouds arabes, électro-jazz et réverbérations électriques, pour un instrumental expérimental et inspiré. Audacieux !
* Votia : (prononcer « voutre » en malgache) Si la mort entoure Marie-Claude Lambert, le maloya a joué chez elle un rôle de catharsis. Sur scène, c’est avec sa famille que la chanteuse tente de tordre le coup au destin en chantant l’amour avec des sonorités invitant au retour aux sources.
* Manudigital : attraction de la soirée et d’une grande modestie, c’est aux côtés du jamaïcain Lt Stitchie (révérent et quasi-inventeur du dancehall) que le producteur/beatmaker français a su lui aussi faire la synthèse entre différentes influences urbaines, tout en adoptant son concert aux sonorités locales. Preuve, s’il en fallait une, de l’intelligence maline du bonhomme.

LES AUTRES
* The Dizzy Brains : une première dans ce pays voisin, pour ce groupe de rock malgache que nous avions découvert (puis accompagné aux Trans Musicales en 2015). De quoi, là encore, casser quelques clichés tropicaux même si cette dernière date de leur tournée montrait un besoin de renouvellement dans l’approche [un 3e album est actuellement en écriture, avec un changement de batteur].
* Mannyok. Si cette énergique section rythmique est composée de musiciens aux univers tous différents, leur fil rouge reste celui d’une origine : Rodrigues. Enclave autonome de l’océan indien, force est de constater que l’île est devenue l’allégorie de leur musique, aux sonorités la fois traditionnelle et enrichie d’influences.
* The Two : un Suisse et un Mauricien exilé, au profit d’un blues-country acoustique de grande qualité, avec voix chaude et solos ; idéal pour le coucher de soleil à… 18h. On recommande.

LE MOT DE L’ORGA : « Après avoir organisé les showcases Jeudi Creation, nous rêvions d’un événement rassembleur et familial [il est gratuit aux moins de 12 ans]. Nous sommes en effet persuadés que la musique joue un rôle majeur dans le développement de l’être humain et, plus généralement, dans notre société... » Lionel Permat, directeur et cofondateur.

ALORS ? On recommande très chaudement ce festival à taille humaine, à l’accueil attentionné et à la programmation diversifiée, pour la qualité de ses stands et la beauté de son site. Une expérience incroyable, loin de tout cynisme métropolitain. À refaire !

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