6 Février 2021
Les similitudes entre la pochette du 1er album solo du lyonnais et le Harvest du Loner ne sont pas dues qu’à ses fantômes US : elles rappellent que l’époque actuelle est en quête d’essentiel.
Beaucoup ont souligné votre passage du punk à un blues décharné…
Et je n’ai pas compris pourquoi. Je n’ai que 27 ans et suis encore à fond dans le punk... Ce n’est ni un remplacement, ni une supposée maturité et encore moins un repentir ! Je regrette que l’on voit encore aujourd’hui une contradiction dans ces deux genres. Il n’y a pas besoin de casser des guitares pour être subversif… S’il y a maturité, c’est plus dans le fait d’avoir été fasciné, adolescent, par la scène glam, pour finir punk.
Est-ce parce que Lyon a musicalement été moins marquée par la contestation ?
Ce n’est effectivement pas la première chose à laquelle on pense à propos de la scène locale… Mais, là encore, on aurait tort de s’arrêter à ce détail : la ville a beaucoup changé ces dernières années. Après une grosse période pop, il existe aujourd’hui toute une scène garage, boostée par les prises de conscience actuelles. Et des talents qui ont vraiment les moyens de remplacer les figures historiques de la ville dans l’inconscient collectif. Vous verrez…
Qu’est-ce qui vous a donc séduit dans le blues ?
Son incroyable capacité de résilience… C’est une musique d’opprimés qui, via la foi (absente chez moi), possède une véritable ferveur. L’écoute d’artistes comme Skip James a marqué un vrai tournant : je souhaitais, en adoptant le blues, que les auditeurs puissent ressentir les mêmes émotions que moi à sa découverte… Et puis, en vieillissant, je suis de plus en plus attiré par les grands espaces…
Des lieux le plus souvent désertés par l’état fédéral…
Je ne nie pas cette réalité, que j’ai pu découvrir en tournée avec Skinner. Ces villes perdues à la Twin Peaks, divisées entre armureries et bureaux de recrutement de l’armée... Mais ce ne sont pas les hommes qui m’intéressent (je ne suis pas doué pour les interactions sociales), mais le calme, la liberté et la possibilité – surtout – de ne pas subir l’acidité humaine. Si les années 2000 nous ont poussés à l’excellence, à rentrer coûte que coûte dans la norme, je ne conçois pas que l’on puisse donner 40 ans à quelqu’un et en mourir 60 ans plus tard ! Nous n’avons plus le temps de développer des projets pour soi... Chacun devrait pouvoir avoir cette chance.
Quel rôle joue l’écriture dans ce processus ?
Elle permet la nuance. D’un côté, c’est se retirer un poids en exprimant des sentiments enfouis (permettant ainsi de mieux les vivre – je n’étais pas bien, il y a deux ans, lors de l’écriture des morceaux). De l’autre, c’est utiliser l’anglais pour sa musicalité… et ses possibilités d’interprétations. L’anglais permet les rebonds : c’est à la fois dire et ouvrir ! Le français est trop précis et t’enferme dans la figure du poète maudit… Comme le titre éponyme de l’album, c’est un choix qui s’inscrit dans la continuité (j’assume déjà ce nom depuis 27, je peux encore continuer), mais qui permet également, en évitant les métaphores et fioritures habituelles, un postulat idéal (car ouvert) qu’importe la future direction que prendra le projet.
Vos reprises (Dylan, Van Zandt…) ne sont donc pas des petits cailloux destinés à vous définir ?
Elles ne sont pas “stratégiques“, en tout cas. Elles correspondent toutes à une envie sur le moment ou une anecdote… J’ai une approche très viscérale et instinctive de la musique : je ne connais pas le solfège, ai une technique maladroite, personnelle… et surtout autodidacte. Le côté brut des morceaux est plutôt dû à mon inculture de l’arrangement (qui nécessite de l’expérience pour ne pas être roboratif) autant qu’à ma culture punk : “peu importe le moyen, démerde-toi pour t’exprimer“… Car l’objectif, c’est avant tout de se faire du bien, non ?
Comment restituer cette authenticité sur scène ?
On prévoit une formule live extensible : parfois seul, parfois en groupe suivant la configuration des lieux (j’ai fait des essais avec un contrebassiste il y a quelques jours, par exemple). Car, et c’est sans doute l’habitude du groupe, je n’ai pas envie d’être seul sur les routes... Et puis tout ça, je le dois à ma rencontre avec le tatoueur et illustrateur Jean-Luc Navette à un concert. C’est lui qui m’a enregistré à l’arrach’ la première fois et trouvé ma première date... Le tout, sublimé ensuite par Hervé Bessenay au studio Eletrophonic Recordings. C’est à ce génie autistique (dans le sens “amélioratif“ du terme) que je dois ma voix en avant… Certes, j’aime le calme, mais le baptême de feu fut si difficile (et formateur) qu’il me tarde désormais d’aller vite le défendre…
Wita Records / Dangerhouse Skylab / Baco Distribution
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