18 Mai 2019
Aux pessimistes croyant à la mort du genre, le quintet rock répond en 14 morceaux… Façon bourre-pif. Et prouve au passage qu’au-delà de l’attitude, le geste doit être – comme ici – avant tout précis.
La tentation est définitivement trop grande pour ne pas poser la question. Et qu’importe si l’interrogation les dépasse malgré eux… Car ce n’est pas tant l’utilité d’une sortie sur « compact-disc » qui soit remise en cause (bien que), mais tout de même ! En 2019 : est-ce devenu audacieux de sortir un album rock ? Et/ou ne sommes-nous pas dans une répétition ? On s’attendait évidemment à ce « On n’y a pas réfléchi » gêné et propre aux premiers échanges… De là à être définitif sur la jeunesse du propos, ce serait oublier que c’est cette même candeur et fougue qui ont leur permis de digérer des influences, avant que l’élan ne soit naturel (« On voulait seulement faire de la zic »). Que c’est justement l’absence, parfois, de connaissances du contexte, qui a favorisé la suppression d’aprioris et façonné leur esthétique.
Car c’est davantage à nous de mettre de côté nos idées préconçues, lorsque l’on découvre que plutôt que The Libertines, l’inspiration vient de The Clash... Ou comment confondre cause et conséquence, ancrant le The dans la mauvaise décennie. Et pourtant, tout s’explique : Mick Jones, chanteur/guitariste du groupe de punk 80s, fut aussi le producteur artistique des deux premiers albums du groupe de Carl Barât et Pete Doherty.
Des Clash, découverts via les écoutes parentales, Fabulous Sheep loue en particulier cette « pluralité dans les compositions » autant que « l’engagement se prolongeant en dehors de la scène ». Mieux : ce n’est pas tant que les Clash « vivaient ce qu’ils disaient », c’est surtout que « Strummer fut sans doute aussi prophétique que Marley ». Nuançant malgré tout sur le fait que « l’engagement n’est pas un gage de qualité, mais bien de sincérité ».
Pour le groupe, qui aime cultiver les détails [ex. : cette citation issue du film Shining et planquée dans un de leurs morceaux], le rappel de cette déconstruction punk est visible dès la pochette, via « les collages de Pierrot » (guitariste/chanteur). À la différence près que, pour l’album, il s‘est adjoint les « services du père de Gabriel [saxophone/clavier], dont nous adorons les peintures ». Résultat : une toile de 2 m sur 8, avec un membre du Ku Klux Klan tirant un enfant (élément récurrent de leurs pochettes) par la main. « C’est un avertissement sur le retour des nationalismes [certains d’entre eux viennent de Béziers…] Mais c’est un constat sans colère. Au contraire : il est gorgé d’espoir », nous assure-t-on.
Ce disque, justement, il a été enregistré dans une grange, en catimini… Histoire d’en « maîtriser tous les aspects, de prendre le temps de creuser certaines pistes ». Partant d’une base de 40 morceaux, pour « en extraire l’essentiel ». Un goût de la finition qui s’en ressent quand, fuyant l’homogénéité, les 14 morceaux alternent rock, noisy pop, post punk et spleen avec pour seule envie à la barre : celle d’en découdre… Voire de détricoter les patrons du genre.
Pas étonnant, qu’après coup, le groupe s’interroge de nouveau : « Pour revenir à la première question… » (l’idée a fait son chemin ; on le savait). Déglutissant, avant de reprendre : « Évidemment, le hip-hop nous a laissé orphelin d’une dimension contestataire… Il n’empêche que le genre est sans cesse en mouvement et possède une énergie communicative ! Au fond, le principe reste donc rock, non ? » Ayé. Ils sont prêts.
(Bitter Noise productions)