Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Hein-hein au pays des Soviets

Hein-hein au pays des Soviets

Soviet Suprem 17 MAI 2018, Élysée Montmartre. 50 ans après les manifestations étudiantes du même mois, les Bolchos sont de retour sur Paname, version koncert-rigolo… L’okasion de rédiger un rapport yolo pour voir si la chienlit est aussi bien que la propanganda le dit.


16h. Arrivée à la salle.
Un kolosse barbu – le “PanPan des Balkans” – nous accueille en haut de l’eskalier monumental. Pression. Les autorisations sont malgré tout délivrées : ce sera un accès total. L’heure semble être à la perestroïka.
16h30. Fin des balances. L’ambiance détendue contraste avec l’énergie grouillante du kartier de Pigalle. Ne reste que la note finale : le portrait des deux leaders Suprem en fond de scène. Pendant ce temps-là, John Lénine [Toma Feterman de La Caravane Passe] est momentanément passé à l’Ouest, à quelques rues adjacentes de là, pour acheter des masques (surprise)

18h30. Ouverture des portes au public. En loge, on cherche les bières. « Dans le frigo ! » est hurlé en chœur, au bout du 3e demandeur. Sur la table : Le Canard Enchainé et Siné Hebdo. Tiens, tiens… PanPan interrompt les débats sur le traitement son de la salle : le politburo est prié de se rendre au katering se restaurer.
 

19h30. 1re partie (Aalma Dili). A la kantoche, on questionne sur d’éventuels quiproquos à l’étranger. Si John Lénine confirme quelques pays à l’humour limité, cela n’a pas empêché le groupe de jouer en Europe de l’Est. L’accueil le plus étonnant ? « L’Australie ! Les mecs ont moins de valeurs et raffolent du hip-hop. » Le reste de l’interrogatoire, portant sur un état des lieux des diktatures (et leur utilité), sera censuré.
20h. Les habits de cérémonie sont revêtus. Tandis que Sylvester Staline [R-Wan de Java] fait les 100 pas, Marco Attali, le kompositeur de la chanson “T’as le look, coco“ (sorti 5 ans avant la chute du Mur) vient trinquer une vodka en koulisses. Cela faisait 30 ans qu'Attali n'a pas parlé à l'interprète de son tube, Laroche-Valmont, invité ce soir à chanter sur scène. 

20h30. Retard. En plus de déborder de 30 min., la 1re partie a subtilisé une des bouteilles de vodka... Qu’importe : la dernière cigarette en côté de scène permet d’ironiser sur un potentiel 2e incendie de la salle qui ferait date [celui de 2011 avait détruit toit, murs et déformé la structure métallique]. La foule amassée provoque cette réflexion du dj Croute Chef : « Dire qu’à l’origine, le projet n’était que pour occuper les pauses de nos groupes respectifs… »

20h55. Échauffement. John Lénine pousse quelques hurlements pour la voix. PanPan est fier de son idée : des ballons Soviet Suprem inonde la foule. Une série de free hugs et – hop – en scène. La foule est réactive, chauffée à blok et, dans la salle, tous les âges sont représentés... En coulisse, on ironise sur un cinquantenaire stoïke « sûrement de la Stasi » en front de scène.
21h15. Les ballons s’avèrent une mauvaise idée. Renvoyés sur scène, Sylvester Staline manque plusieurs fois de marcher dessus. Le régisseur est prié d’en enlever entre chaque chanson. Jusqu’au slam du chanteur dans la foule et cette tirade a posteriori : « J’vois que ce soir, nous avons des dissidents qui ont essayé de me coller des doigts dans le fion ! »
21h30. Sortie de scène. Le show est rythmé entre punchlines, vodka discrète et changements de kostumes. Les peaux des deux leaders Supreme sont rouges et dégoulinantes. Les invités se succèdent : violon, tuba, danseurs… Le dj officiel de Groland – encore endeuillé de la mort de son président Salengro – est même mis à contribution pour jouer les sosies de Trump et Kim Jong-un [c’était donc ça les masques !] agitant l’étendard du groupe. Et de “L’International“ version électro à la musique du jeu Tetris, toutes les références y passent.
22h. On fait monter des filles sur scène. Un homme, malin, s’est glissée parmi elles. Dans la salle, la foule danse en cercle sur “Slow Slavic“, ambiance Oktoberfest. Le groupe n’avait encore jamais vu une telle kommunion. Quelqu’un a même subtilisé le portrait enkadré de Poutine sur scène, que l’on aperçoit désormais slamer en fond de salle [et que l’équipe ne retrouvera pas – « Il nous fut offert il y a 2 dates par un type du public. Je pense qu’il réapparaîtra en tournée », pense le régisseur]

22h30. Surprise. La salle n’autorise pas de dépassement horaire. Pourtant, devant l’insistance de la foule, et malgré les lumières rallumées, John Lénine hésite en koulisses… Tant pis ! Il file rechercher le groupe dans les loges (à l’étage) et malgré l’interdiction du régisseur, revient sur scène pour une ultime bravade.
22h50. Au revoir. Le rappel improvisé a beau être fini depuis 10 min., la foule skande encore le nom du groupe. Les vigiles ont le plus grand mal à leur demander de rentrer chez eux et il faudra un ultime au revoir de Sylvester Staline (un bras d’honneur hilare) pour saper les derniers espoirs.
23h30. Aftershow. Les loges sont inondés d’amis et de membres de la famille. Le meeting est un triomphe. On laisse alors le groupe à sa pause méritée et Rachid Taha à sa quête de tire-bouchon... Et cette conclusion mythique de l’un des invités à l’un des leaders Suprem : « J’ai maté le koncert avec ta mère… qui a pogoté tout le long ».

Ça ne s’invente pas, kamarade.

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