Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Biographie de KRISTEL

Biographie de KRISTEL

Vous trouvez ça mielleux, vous, quand Beyoncé annonce qu’elle est « Crazy In Love »… ?


Bien sûr que non ! Surtout quand l’Américaine rectifie avec le même aplomb – et en chanson – sur les infidélités de son Jay-Z quelques années plus tard… Alors, attendez d’voir Kristel, hurlant sur scène qu’on « ne la quitte pas comme ça », devant son batteur de mari et non sans quelques regards persistants à la gente masculine… « Respect ! », aurait dit Aretha Franklin.

Forcément, quand on est issue de l’un des pays les plus pauvres et corrompus du monde (Madagascar), l’abolition des inégalités possède une autre résonnance... Pas étonnant qu’ici les échos des combats occidentaux échouent in fine en larsen. Là, coincé dans le ressac et cul-de-sac de l’Afrique, le féminisme n’est pas qu’un simple débat d’idées : c’est une survie. Une nécessité.

Tout Queen B qu’est Beyoncé, la région des Hauts-Plateaux – dont est issue Kristel – a aussi connu ses reines au XIXe siècle. Et pourtant ! Pourtant, le matriarcat est à la traîne… Musicienne ? C’était NON. Son frangin et son daron guitaristes occupaient déjà la fonction. Il a fallu se contenter de l’éducation jazzy du paternel, de Duke Ellington à Miles Davis… Avant l’épiphanie : Jaco Pastorius. Kristel a peut-être 8 piges, mais elle est au 7e ciel.

C’est décidé/m’enfou : ce sera la basse et puis-c’est-tout. Mais aussi la pop, surtout, avec le jazz en opposition… Si le féminisme appelle à une équité, c’est bien dans la musique que Kristel trouvera sa libération.
Le bac évacué à 15 ans (!), la Malgache enchaîne les amants et les participations. Deux ans avec Mafonja (reggae), deux supplémentaires avec Silo (grunge). Et une évidence, en concert : l’assistance n’a d’yeux que pour elle, reléguant les frontemen en second division. Ou comment le charisme tient parfois plus de l’inné que du métier… Au moins, l’expérience lui permit de visiter la Thaïlande et La Réunion, elle qui n’avait que YouTube comme sauf-conduit... Alors pourquoi ne pas tenter le pari ?

En s’associant avec son frangin (Bekheli) et son mari (Sylvano), Queen K martèle qui est le patron. Prend sa revanche avec une pop hérétique localement. Spontanée et énergique. De celle marquant au caleçon, la gueule en avant et les origines annoncées dès l’perron… Voire cet affront : de la pop malgache ? Han han. Un comble pour une île-continent, électrifiée qu’à seulement 23%.
En catimini, ça ne l’empêche cependant pas de continuer à traîner les bars jazzy... Hé oui. On ne se renie pas comme ça : les jams improvisées font parti de sa vie. De cette dichotomie, Kristel n’y voit pas un reniement, mais bien un enrichissement. Tout comme elle rêve d’Angleterre (royaume de Queen E), sans vouloir renier ses racines pour autant. Même la masculinisation de son prénom entretient – tout comme sa musique – cette même ambiguïté : la tradition contre la modernité, l’envie d’ailleurs et celle d’être ambassadrice d’ici.

Il aura donc fallu la rencontre avec le Libertalia music festival (outsiders des Trans Musicales 2015 avec The Dizzy Brains) et le parrainage du regretté Marc-Antoine Moreau (Amadou & Mariam, Africa Express, Manu Chao…) pour que la fer de lance poursuive son bond… Coachée par Nicolas Auriault (Mano Solo, Zebda...) et enregistrée par Jean Lamoot (Bashung, Noir Désir, Dominique A…), la popeuse finalise actuellement son premier EP prévu pour l’arrière-saison.
Pauvreté, sectes, gueules de bois, coups d’un soir ou répression… Qu’importe la ritournelle, son trilinguisme (fr/uk/mg) glisse selon l’histoire. Racontant, à l’instar d’un Bob Marley, une fatalité pourtant universelle… Car à Mada, il n’y a pas que le soleil qui vous mord la peau : la réalité vous met à genoux ! À travers Kristel, ce n’est donc pas seulement un féminisme qui s’avoue, c’est aussi et surtout l’avenir d’une génération féminine qui se joue.


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