Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

BRNS : À l’épreuve du tant

BRNS : À l’épreuve du tant

On les a connus sociétaires du cliché belge : fendards, modestes et sous emprise du houblon. Avec leur 3e album, les Belges de BR(ai)NS exhument une autre version : des nœuds plein le cerveau et des nervures plein le son.

 

 

En quoi l’album Suger High est-il différent des précédents ?

Nous avons toujours rodé les nouveaux morceaux en live. En tout cas, les deux premiers albums ont été écrits et enregistrés en tournée. Ce coup-ci, on a pris notre temps : notre série de concerts s’est arrêtée en 2015 et l’enregistrement était un mois plus tard. Autre élément : si le 1er album a été écrit rapidement, nous nous posions plus de questions sur le 2e. Nous conceptualisions plus, avec les compromis inhérents au fait de passer à 4 membres... Sugar High a vraiment été écrit à quatre mains ! Ça se ressent : il y a beaucoup de choses différentes. C’est sa force et sa faiblesse : la première écoute n’est peut-être pas évidente, mais l’ensemble reste cohérent avec nos précédentes sorties.

 

Cette pause, était-ce le besoin de se construire en parallèle ?

Quand tu tournes pendant 4 ans à un rythme effréné, tes défauts ressortent. Tu entends, par exemple, tous les jours ton pote sortir la même blague. On a vraiment fini sur les rotules en 2015, dans un état de grande nervosité et avec l’envie de rencontrer de nouvelles têtes. Puis il y a cette dichotomie : quand tu ne tournes pas, tu veux repartir ; quand tu es sur la route, tu veux revenir. Enfin, César [ndla : percussions, claviers] a annoncé son départ, alors que nous étions en train de mixer l’album. Il y a une période de doutes, forcément. Pour autant, nous n’avions pas envie de faire table rase des enregistrements. Pas envie de bootleg non plus : si nous enregistrons peu, c’est parce que nous essayons d’aller au bout de chaque titre. Cette pause, c’était donc s’éloigner pour mieux se retrouver.

 

Vos dernières dates étaient la semaine des événements du Bataclan…

Oui, nous étions en Angleterre. Ça nous a frappé de plein fouet ! Tout comme le jour où ça a pété dans le métro de Bruxelles, nous devions enregistrer. On ne l’a pas fait, évidemment. J’y pense beaucoup en ce moment. Non pas pour l’évoquer dans les chansons (le thème est trop délicat), mais car cela pose la question de la future pratique du concert : comment démocratiser un lieu qui devient de plus en plus sécurisé ? Les médias français nous font d’ailleurs rire jaune : il ne se passe rien à Molenbeek ! En étant l'un des carrefours de l’Europe (et donc à 1 h de toutes les frontières), on paie surtout la praticité du pays, plutôt que la soi-disant conséquence d’une culture locale.

 

En tant que rockeurs belges, vous avez l’impression d’être les gardiens du temple ?

Comme en France, la Belgique est en plein boom hip-hop. Roméo Elvis, Hamza, Damso... Cette génération remplit des salles immenses ! Alors, oui, j’ai l’impression que l’on représentait un renouveau avec les Ghinzu et autres, il y a quelques années. Aujourd’hui, et même si je reste persuadé que ce n’est qu’une phase, la pop excite moins. Attention, ce n’est pas une fatalité, hein ! Si je me désole qu’un rappeur comme Veence Hanao n’ait jamais eu de vraie reconnaissance parce que trop intello et pas assez égocentré, je suis content qu’il y ait de nouvelles têtes. Et si le rap belge a pu sortir du ghetto, c’est tant mieux ! Nous, ça nous donne en tout cas envie de continuer à proposer de la radicalité.

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