15 Octobre 2017
Après presque deux ans de silence, le groupe folk/blues rock était de retour sur scène, le 9 octobre, à l’occasion de l’enregistrement des Concerts Volants d’Arte à l’Institut du monde arabe. Un prétexte comme un autre pour fêter les dix ans de leur premier album Gee Whiz But This Is a Lonesome Town.
Qui mieux que le Beaubourg de la rive gauche parisienne, dont le bâtiment est lui-même issu d’un métissage entre les cultures arabes et occidentales, pour une invitation au voyage ? En ouverture : le duo flamenco père/fils de Pedro Soler et Gaspar Claus. Le guitariste et le violoncelliste y étaient accompagnés par l’expressive et incroyable Inès Bacan… Puis ce fut au tour du collectif Valparaiso, ex-membres de Jack The Ripper reconvertis en maison d’hôtes. Pas de John Parish ou encore de Julia Lanoë (mansfield.TYA) ce soir-là, mais tout de même une Phoebe Killdeer pieds nus et une Rosemary Standley brièvement échappée des Moriarty pour un spoken word – transition toute trouvée pour les réjouissances.
En commun : cette ambiance vaporeuse, une certaine idée temps et ses échos cinématographiques. L’iconographie y est aussi pour beaucoup avec ces néons monochromes (ou oscillant au ralenti) disposés autour des musiciens et dont les reflets dans les vitres offrent un horizon symbolique. La scénographie fait sens : chaque chanson de Moriarty est une pièce à vivre avec sa fenêtre ouverte sur l’extérieur. Puis cette superposition d’instruments, pourtant déjà réduits à leur essentiel. Conséquence plausible des 10 dernières années passées à éviter de se marcher sur les pieds.
Pas de surenchère, donc. Juste, semble-t-il, le refus d’homogénéité dans les arrangements et dont le fil rouge du répertoire reste la caractéristique voix de la chanteuse Rosemary. Arthur fait son Brian Jones, frappant sa guitare à la baguette, articulant des incantations face à l’orgue ou caressant son triangle. Exit cependant l’harmonica de Thomas et un « Jimmy » sans doute rogné jusqu’à l’os… C’est aussi là que l’épreuve du temps se joue : la complexification du jeu au bottleneck de Charles, l’aisance de Stephan libéré de sa contrebasse et assumant son avant-scène... Rien ne se crée, tout se transforme. Même les styles vestimentaires, autrefois plus contrastés, se sont fondus dans un tout sans effacer les traces du collectif.
Enfin, 10 ans, ce fut aussi l’occasion d’introduire des contextes entre chaque chanson. Les souvenirs de lieux décalés (train, grotte, glacier, hôpital…), le morceau « Belle » enregistré dans un des studios de Bollywood, « Private Lily » en référence à la maison d’une défunte… Et comment ne pas penser à leur date à L’Olympia en 2008, quand retentit leur reprise « Enjoy The Silence » (Depeche Mode) ? Le xylophone est désormais remplacé par une flûte carnatique et un mbira (piano à doigts), preuve, là encore, que la musique est à l’image de ses auteurs : pas nostalgique, figée et attendue, mais bien mouvante et enveloppée d’une patine bienvenue.
* Revoir le concert
* Livre-disque : Echoes From The Bordeline (bootlegs & lives)
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© Stephan Zimmerli