Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

MORIARTY : lettres à France

MORIARTY : lettres à France

Le 15 octobre 2007 sortait le premier album de Moriarty : Gee Whiz But This Is A Lonesome Town... 2007, donc. Et (déjà) dix ans écoulés depuis.


Or, si à leurs débuts ces Franco-américains-folkeux, habitant Paris, n’avaient pas imaginé cette longévité, nous n’avons jamais douté de leur légitimité... Dix ans, c’est assez pour s’observer, créer des récurrences (voire des exigences). Mais sans jamais s’apprivoiser. Car on a toujours pris des nouvelles de Moriarty comme l’on en prendrait de cousins du bout du monde, avec cette distance polie. Respectant une frontière (eux qui les ouvrent, justement) afin de continuer à être surpris et/ou bouleversé à chaque nouveau récit.

L’histoire des autres, c’est aussi et parfois un peu la nôtre. Celle du temps qui passe.

On était là le 20 octobre 2007, dans ces arènes de Montmartre, poussé par la curiosité d’un single – “Jimmy“ – sorti deux semaines plutôt et qui intriguait dans le paysage. Comment ne pas se souvenir de ce coucher de soleil sur les hauteurs de la capitale, de ce décor théâtral et de cette musique des grands espaces qui précédait le set de Phoebe Killdeer.

Déjà, le groupe semblait à géométrie variable, avec une grille de lecture différente selon son interprète. De Moriarty, l’on retrouvait dans ses attitudes autant le personnage hédoniste de Jack Kerouac (Sur la route) que cette ville éponyme du Nouveau-Mexique ou l’érudition professorale de la Némésis de Sherlock Holmes.

L’intuition au Printemps de Bourges, l’année précédente, se confirmait. Et les rencontres successives l’ont confirmé. Comme cette partie de chassé-croisé, la même année dans
la cuisine de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff (qui hébergeaient leurs répétitions) où les protagonistes – dont certains étaient en colocation – se relayaient pour l’interview. Pour unique fil rouge : l’imperturbable contrebassiste, Stephan Zimmerli, dessinant déjà dans un coin.

Puis il y a eu
L’Olympia, Montréal, le quiproquo aux Victoires de la Musique (un décor western) et plein d’ailleurs. Des rencontres furtives en marge de concerts – privilège du métier. Puis les interviews pré-sortie d’album. Ces discussions enrichies et référencées : les Howard Zinn en guise de ponctuation, les Dylan, Woody Guthrie et autres Hank Williams dans les grammaires... Mais toujours après que la troupe se soit habituée à l’intrus, prolongeant parfois même la répétition près de 30 minutes après notre arrivée.

Certes, l’éloge de la lenteur était recherché. On découvrira alors qu’elle fut aussi contrainte, reflet d’un processus créatif complexe entre la recherche de compromis entre six personnalités – sans jamais se renier – et l’autoproduction... 800 concerts et 25 pays visités plus tard, il reste un incroyable album de
lives et de bootlegs comme témoignages. Et rien à jeter. 24 chansons regroupées sous Echoes From The Bordeline, accompagnées de photos et croquis. Le tout : entièrement auto-financé.

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