24 Juin 2017
180 000 spectateurs présents à la 12e édition du festival rock/punk/metal et une réputation exponentielle, cela pose forcément question : et si l’événement de niche de Clisson avait réussi là où ont échoué les autres ?
Bien sûr, un festival, c’est d’abord une programmation. Cette année, si les principales têtes d’affiche du Hellfest ont souvent été en deçà des attentes (Aerosmith, Deep Purple, Linkin Park, Trust…), il y eu encore de quoi se mettre sous la dent. Exemples avec :
• Les punks français, à l’éthique restée intacte (Tagada Jones, Les Ramoneurs de Menhirs et Komintern Sect) ;
• Les drôles, version puéril-fendart pour les locaux Ultra Vomit www.ultra-vomit.com/ (charriant au passage le Download, festival concurrent) ou metal pirate avec Alestorm (et cette cruelle ressemblance du chanteur avec Cyril Hanouna) ;
• La leçon donnée par le stoner de Clutch, le vieux peroxydé Dee Snider ou le heavy de Red Fang ;
• Et, bien sûr, ceux qui méritent nos-hommages-éternels tels que Prophets of Rage (Public Enemy + Cypress Hill + Rage Against The Machine).
Pourquoi ça marche ? Si la plupart de ces groupes bénéficient d’une communauté fidèle et organisée, leur absence de la programmation des principaux festivals français – de plus en plus uniformisée – participe logiquement de l’attractivité. Reste qu’il se pose l’épineux problème du renouvellement… En effet, si la nostalgie fait vendre (nous en sommes clients aussi), les mastodontes metal/rock/punk/heavy ne sont plus aussi nombreux… voire, surtout, vieillissants. Légion ont donc été les « Ah oui, je les avais vu il y a deux ans, ici ». Pas étonnant que depuis quelques années, le festival incorpore de plus en plus de fusion (principalement rock/hip-hop) : pour sa survie, il est condamné à ouvrir sa ligne.
Qu’importe. Le HellFest a compris plusieurs fondamentaux : raconter une histoire (qui dédouane habilement de tout cynisme mercantile), tenir son crédo coûte que coûte (les compromissions artistiques sont encore rares), travailler l’encrage local (création d’une confrérie, bénévoles essentiellement clissonnais…), miser sur la décoration (favorisant l’aspect viral sur les réseaux sociaux et un report de crédits intéressants), intégrer davantage les partenaires (réadaptation des logos, participation au décor…), organiser son propre off (concerts, boutiques…) et préférer une communication de proximité à celle institutionnelle (jusqu’à un gentil culte de la personnalité autour du cofondateur Ben Barbaud).
Car c’est bien dans ses rangs que l’ADN du festival se situe, cette fierté de l’appartenance capable d’excuser les redites. C’est cette cohésion coolos – et parfois surjouée – qui explique ce public divisé en tiers : les fous furieux/spécialistes/pratiquants du pogo en avant-scène ; les touristes ébahis se croyant à la fête foraine ou au carnaval ; et les vieux briscards barbus avec chaises pliantes et motos suréquipées. Malin.
Vous en connaissez beaucoup, vous, en France, des festivals avec des statues de 10 m, des carcasses désossées, des braseros comme seul éclairage, des slams de fauteuil roulant, un bassin dans l’espace presse, une alimentation variée allant jusqu’au burger vegan, des sold out avant l’annonce de la programmation (voire la possibilité d’acheter son billet pour l’année suivante)… et la liste est longue ? Évidemment que non.
Avec ses 17 millions d’euros de recette (un record en France !), c’est là tout le pari gagnant de la niche face aux reniements des festivals grand public : la fidélité à ses engagements et le parti pris.
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