Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Festival LFSM : j’y SÔNGE encore

Festival LFSM : j’y SÔNGE encore

Tête-à-tête, en marge du festival Les Femmes S’En Mêlent, avec la Quimpéroise r’n’b du Label Charrues. L’occasion de faire le point avant son échauffement à Panoramas et au Printemps de Bourges.


Jeter accidentellement ses notes post-interview n’est pas si grave. En tout cas, pas avec une artiste synesthésique*, dont le phénomène neurologique permet d’associer plusieurs sens (chez elle : les harmonies musicales apparaissent en couleur). Ou comment coller au mieux à son sujet… Ne reste alors de l’entretien qu’une impression, fugace et légère, concentrée sur l’essentiel et à l’image d’une interlocutrice chez qui les sensations comptent davantage que les mots. La cohérence joue ainsi les alliages à mémoire de forme. Même le lieu de ce thé, partagé rue Marcadet (Paris 18e), fut hautement symbolique : la portion, sous la surveillance de graffitis colorés, trace la frontière entre le revigorant capharnaüm du quartier africain et l’envahissante gentrification qui guette en terrasse…

Sônge a beaucoup voyagé, notamment lorsqu’elle était membre de l’Équipe de France d’équitation. Un appétit qu’elle a poursuivi. C’est par exemple au Népal qu’elle prend conscience, via une jam improvisée avec des jazzmen locaux, que la musique peut être un langage universel (jusqu’à inventer le sien dans une de ses chansons, reproduisant inconsciemment des phrasés congolais avec un mimétisme troublant). C’est aussi en Allemagne qu’elle compose ses premiers titres... Ou du côté de la scène anglo-saxonne que l’artiste adopte un reggae alourdit par les ambiances urbaines, à contrario du r’n’b badass outre-Atlantique... L’absence de frontières reste un fil rouge.
Car après avoir hésité avec le métier de photographe (elle s’occupe elle-même de son Instagram), la chanteuse s’est sérieusement investie dans le médium musical il y a 3 ans, avant de créer son actuel alter-ego en 2015. Tout s’est alors enchaîné rapidement : le festival des Vieilles Charrues l’inclue dans son dispositif de mise en valeur et le label Warner la signe…
Tout sourire, bon public et les cheveux lâchés, difficile d’imaginer que Sônge cultive la solitude – si ce n’est quelques réponses hésitantes que ses yeux noirs soutiennent pour s’assurer de la bonne réaction. Cette bulle est même nécessaire, elle qui compose généralement la nuit, casque sur les oreilles. C’est dans cet instant, entre magie du moment et gouffre désertique, que Sônge harmonise la palette de couleurs que lui évoque sa création et dont elle est intarissable sur les nuances [impossible, selon elle, de catégoriser sur le même principe les gens rencontrés en raison du manque de variations de ton dans une discussion]. Idéal, surtout, pour donner des indications au clippeur… Sônge ne comprend d’ailleurs pas les artistes qui composent sur commande, elle qui a besoin de vivre pour écrire. Et est justement dans une période où il lui faut vivre... Si ce n’est des insomnies chroniques depuis la création de son projet [les Luminettes portées sur scène ne sont pas fortuites], l’actualité lui donne raison.

N’accusons pas le stress pour autant : l’excitation y est pour beaucoup. Sônge est pressée d’être aux Vieilles Charrues, dont elle a découvert la scène – en tant que festivalière – l’année dernière. Reconnaissant même un vrai attachement avec le public breton, dont elle date l’attachement depuis sa prestation aux dernières Trans Musicales. Sur place, elle promet de jouer de nouveaux titres et trompe le temps, en attendant, avec son autre collègue du Label Charrues : Colorado (électro-pop de Saint-Brieuc). Voire se fait lire les contes que le public lui offre et dont elle raffole... Car n’allez pas croire que solitude rime forcément avec timidité. Dans un mélange de fierté et la peur d’être prise en flagrant délit d’égo, Sônge avoue du bout des lèvres son réel plaisir, sur scène, à tenir le micro... Et elle seule.
* Comme Stevie Wonder, Lady Gaga, Pharrell Williams, Thom Yorke…

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© Loll Willems

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30 mars, Gaïté lyrique (festival LFSM)
Se sentant artiste avant d’être femme, Sônge pense que les affinités devraient davantage s’effectuer sur des critères de caractères ou d’environnement communs qu’une question de genre. Cela ne l’empêche pas pour autant de participer aux 20 ans du festival exclusivement féminin. En concert, c’est d’ailleurs la métamorphose : lunette rétro-éclairée, manteau doré… L’artiste est confiante, ondule les bras, la tête dodelinant et les pieds toujours joints. Si le sourire est rare, le corps semble concentré sur les sensations, soutenu par des lumières tombantes et monochromes.

On comprend alors mieux sa place au sein des Femmes S’En Mêlent : parmi l’incroyable pouls de la création féminine que prend le festival [en 2017 : Austra, Barbi(e)turix, Keren Ann, Little Simz, Mesparrow, Ropoporose, Vale Poher…], l’électro de Sônge apparaît comme un complément nécessaire.

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