19 Juin 2016
Lors du nouveau raout parisien des musiques metal, mi-juin, on a pris rendez-vous avec le duo rock gascon. Histoire de comprendre pourquoi l’un des groupes les plus indépendants et intègres de la scène hexagonale avait accepté d’être programmé par Live Nation, producteur de Madonna, Lady Gaga et Shakira.
Laurent Lacrouts, guitariste aussi barbu que chevelu, nous accueille en short/t-shirt/chemise à carreaux, sur le ton de « La promotion n’est pas la partie la plus intéressante de la vie d’artiste… ». Hilare. Son accent contraste avec ceux des autres formations… On s’installe autour d’une table, à l’ombre des arbres.
C’est étonnant de vous croiser ici…
On connait l’équipe belge de Live Nation. Plutôt sympathique ! Et il est vrai qu’il nous ait arrivé de gueuler contre des festivals français qui se la jouent cool, mais agissent comme des mafieux. Ici, certes, le festival est contrôlé par une multinationale basée sur des fonds de pension. On ne veut pas jouer les marxistes, hein, mais on sait que pour un dollar américain gagné c’est sans doute un papy qui en perd un autre… Ok. Mais il n’y a rien de plus clair que des capitalistes qui assument. Ici, c’est leur argent et non 50% provenant de l’Etat ! Les types ne sont pas en train de se gloutonner de subventions tout en pleurant…
N’est-ce pas contradictoire avec votre éthique (suppression des intermédiaires, création d’un label et d’une exploitation agricole) ?
Nous sommes aussi des entrepreneurs… locaux. Il y a une trentaine de personnes qui nous aide, notamment pour la ferme. Ici, nous travaillons avec Live Nation, mais ne sommes pas financés par eux ! J’insiste sur la nuance, parce que nous ne voulons toujours pas signer sur une major, ni rentrer dans ce système… Mais on est pour la mixité culturelle. Nous avons deux cultures : celle gasconne et celle mondiale. Les différents points de vue doivent pouvoir s’exprimer... Cela donne des échanges fantastiques. La culture est un ambassadeur formidable ! Ce n’est pas, non, parler une autre langue dans le but d’exclure. Ce doit être un passeport, à l’image de la nourriture.
Particulièrement riche dans le Sud-Ouest…
Le foie était donné aux riches… Quand on n’avait que ça pendant plusieurs mois, il fallait bien trouver comment l’accommoder ! Au moins, dans Les Landes, nous avons des plats à trois goûts, avec beaucoup de recherche sur l’aigre-doux. Notre producteur japonais (Ndlr : également programmateur du Fuji Rock à Yuzawa) prend trois kilos à chaque fois qu’il vient nous voir ! Je considère, de toute façon, qu’il n’existe pas de grands cuisiniers, seulement de grands produits devant lesquels se mettre en retrait…
N’avez-vous jamais envisagé de donner des conférences sur votre modèle ? Ou un restaurant ?
Notre documentaire Rockfamers, sorti l’année dernière, est assez explicite. Et puis, on ne veut pas donner de leçons. Faire du didactique, ce serait pratiquer tout ce que l’on dénonce. Quant au restaurant, ce serait envisager notre production sur un mode consumériste. L’agriculture, c’est surtout du bon sens… Nous, on préfère jouer – comme nous l’avons fait cette semaine – dans un hôpital de jour. Ça nous ressemble. Oui, on a fait Maths sup / Maths spé, mais si on nous appelle, c’est parce que les gens savent ce que nous sommes.
Quel est le secret du bonheur, alors ?
Le lâcher-prise ! Le problème, ce sont les idéologies. Les décroissants, ceux qui considèrent que les dysfonctionnements économiques, l’aliénation au travail et la pollution sont les résultantes du processus d’industrialisation, ont raison : il faut revenir à la terre. Dans 10-15 ans, il n’y aura plus de produits artisanaux… Aujourd’hui, 60% des fermes gasconnes vendent en direct… De là à supprimer toutes les technologies ? Non. Nous, on est dans le rationnel. On désherbe, oui. Un petit peu… Il faut trouver un équilibre, de la simplicité. Dans le documentaire, il y a Daniel qui citait Deleuze en expliquant qu’il y a besoin de cathédrales et de chapelles. Nous ne sommes donc pas des « alterno », mais bien des indépendants !
Que mangez-vous lors de déplacements ?
On demande par exemple des produits locaux auprès de maraîchers locaux (et non des supermarchés). Sinon, des pâtes, c’est très bien aussi, hein... On est souvent choyé !
Avec 44 pays visités en dix ans, quel plat avez-vous justement préféré ?
Sans aucun doute : les ortolans* ! Un plat de chez nous, justement.
> 4e album (2015)
> 3e album (2013)
* La recette de ces petits oiseaux à la provençale est un mets dont Alexandre Dumas donna la recette dans son Grand livre de la cuisine (1873).