Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Un Vedel a fait le Printemps

Un Vedel a fait le Printemps

Avant de devenir le directeur du 40e Printemps de Bourges – festival dont il partage quasiment l’âge –, Boris Vedel a évidemment eu une autre vie. Un parcours qui lui a autant permis de connaître l’exode brestois et sa mention dans un album d’Étienne Daho… que les sous-vêtements de Nicolas Sarkozy.

De sa ressemblance avec Alex Lutz (l’acteur jouant la blonde de « La Revue de presse de Catherine et Liliane » dans Le Petit Journal sur Canal+), le nouveau dirlo s’en amuse. Depuis six mois, les quiproquos se sont même multipliés jusqu’à une fois par semaine… « Je rêve de le rencontrer pour savoir si on le prend pour moi… », s’amuse le remplaçant du co-fondateur du festival berrichon, Daniel Colling.
Boris Vedel est né à Landerneau, à côté de Brest... Brest, justement, ville de naissance de Gérard Pont, directeur de Morgane Groupe et président du Printemps de Bourges depuis 2014, ayant nommé Boris. L’intéressé affirme pourtant « que la diaspora bretonne n’est pour rien dans sa nomination », même s’il se reconnaît dans « la chanson de Miossec
(2004) », évoquant le complexe de ceux ayant quitté la ville.

Sauf qu’avant de connaître la capitale, c’est bien dans celle de la Bretagne que Boris pose ses valises : Rennes. Pour les études et continuer à répéter avec son groupe de rock, tout d’abord. Pour y produire des spectacles, ensuite. Puis, direction le Bureau Export (pour un stage), structure semi-publique accompagnant les développements artistiques à l’international. Il enchaîne avec la major Virgin (chef de projet du répertoire international) et enfin la maison de disque indépendant Naïve (Benjamin Biolay, Asa, Moriarty…).
Après avoir été directeur marketing, Boris en devient le directeur général. L’occasion d’être notamment dans les remerciements de l’album Le condamné à mort d’Étienne Daho (2010). Ou de connaître une polémique sur les ventes de l’album Comme si de rien n’était (2008) de Carla Bruni, alors Première dame : « Ce fut un faux procès. Une confusion entre les ventes nettes et les stocks des magasins (à partir desquels sont calculés les disques d’or). » Ne comprenant pas, même aujourd’hui, le traitement réservé à l’artiste : « C’est quelqu’un de libre. Avec du caractère. J’ai passé quelques soirées avec elle… et ai même aperçu, quand j’y repense, les sous-vêtements de Sarkozy

Lui qui a connu une major (regroupement de plusieurs maisons de disque) et une structure indépendante, quelle différence ? « Uniquement les moyens, car ce sont les mêmes erreurs d’analyse. » Étonnante confession de la part d’un « ex ». Explications : « Il faut davantage orienter le chef de projet sur la musique que sur le support, travailler sur le développement plus que la promotion. Des carrières, ça se construit avec le temps et je fais la distinction entre artistes et artisans. À ce titre, j’admire la force tranquille de Dominique A... »
Un exfiltré des maisons de disque prenant la tête des festivals… Doit-on y voir pour un symbole ? « Non, peu de confrères sont dans ce cas et mon profil a plus été choisi pour sa dimension managériale. » Inutile donc de faire profiter son carnet d’adresse : « Celui des programmateurs est déjà bien enrichi. » L’occasion aussi pour Boris d’évoquer quelques lieux communs sur son « amour de l’humain », lui qui convient malgré tout avoir le sourire rare et être l’opposé du boulimique Gérard Pont. « Sans doute était-ce le bon équilibre ? », note-t-il, flegmatique, dans un élan politiquement correct.

Si Boris Vedel ne s’était jamais projeté à Bourges, il savait en tout cas qu’il « ne passerait pas sa vie dans les labels » et que « le marketing et les concerts » étaient des pistes qu’il explorait à la tête de Morgane Events (1,3 M€ de chiffres d’affaires en 2014 ; filiale de Morgane Groupe produisant notamment les Grands Prix de la Sacem, le festival Fnac Live, le Disquaire Day ou les concerts Deezer de la Fête de la musique 2015). Un poste qu’il n’a pas abandonné : « C’était ma condition. Il est toujours intéressant de se confronter à d’autres modèles pour se remettre en cause… »
D’autant que le Printemps reste, selon lui, l’un des événements « les plus techniques », déroulant ses particularités en mode PowerPoint : « Un vrai ancrage territorial, avec près d’un millier de personnes à la conférence de presse locale ; des monuments nationaux ; près de 350 correspondants générant 35 % de la billetterie ; et un ADN basé sur Les Inouïs (ex-Réseau Printemps, tremplin et plateforme de développement artistique du festival)» Même lorsque l’on évoque d’anciennes publicités des Francofolies, annonçant que les groupes des Inouïs sont ceux de l’année précédente au Chantier des Francos (l’achat des deux festivals par la même société rend aujourd’hui l’anecdote cocasse), Boris conserve sa répartie : « Les festivals ont effectivement une réflexion à mener en ce sens. Les Inouïs étaient précurseurs en 1989 et n’ont désormais plus les mêmes besoins. » S’autorisant un cabotinage : « C’était un réseau social avant l’heure ! »
Et cette critique régulière qui voudrait que le festival n’est qu’une succession de concerts sans brassage des publics ? « Nous n’avons pas encore trouvé la formule d’un accès général, car nos salles ont des jauges différentes. On a malgré tout essayé de proposer un pass vendredi-samedi, sur lequel nous misons 25% de notre offre. » Prochains défis ? « Travailler davantage l’esthétisme des zones. »

En conclusion, à Boris à qui nous demandions ce que la fonction a changé, plutôt que de citer son emploi du temps, l’ex-Brestois avoue se faire plus discret dans le train. « Je ne prends conscience qu’aujourd’hui de ce que c’est d’incarner physiquement un festival », lâche-t-il, tardivement hilare et sans doute content, parfois, de n’être plus seulement le sosie de.

> Printemps de Bourges

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