Samuel Degasne

Journaliste dépendant & théoriste musical.

Janice in the noise

Janice in the noise

T’as vu ? Tout ça claironne le « Alice in wonderland » : le blase, l’origine rosbif, l’héroïne qui se rebiffe… Et vlan ! Jeu de miroirs, bonsoir. Le chaud-froid permanent, dont les chapeliers et autres chats persans sont le bassiste Stéphane Castry (Keziah Jones), le guitariste Thomas Broussard (NTM) et le batteur Stanislas Augris (Beat Assaillant)… On est bien.

Alors quoi, rock féminin sans être féministe, hein ? Paroles qui griffent, mais jupe sexy et culotte satin ? Obsession des rythmiques blanches, malgré un groove d’ébène ? Han han. Priez de laisser vos habitudes au turbin et de vous éponger en sortant.

Des acquis, Janice en a. Et pas des moindres : père jazzman, mère chanteuse, enfance entre Londres et Panam. Sauf que la pratique était subie, style devoirs de vacances. Composer a fait la différence... De là à tapiner une reconnaissance familiale ou sociale ? Non : l’occasion d’un décalage, un prétexte pour. Car de la différence est née une recherche d’indépendance. Un refus d’autorité. Choisissant la basse parce que l’instrument lui était refusé. Trouvant dans le rock plus qu’un porte-voix : une vie de meute aux choix assumés. Expérience fait foi.

D’autant que le pédigrée a de quoi terroriser les caniches du quartier : soprano gospel ; chœurs de
Camille Bazbaz, FFF, Saïan Supa Crew, Phoenix, Dj Medhi et Sinclair ; premières parties solo de St Lô, George Benson et Melody Gardot ; soit plus de 400 concerts dans les gencives… Qui est en retard ? Rentre chez toi, lapin blanc. Après deux faux départs (un groupe abstract soul, il y a 15 ans ; un autre électro-hard 5 ans plus tard), Janice connaît le refrain. Et vous culbute l’oreille jusqu’au matin.

Évidemment, l’anglais des textes est un lien maternel à peine inconscient. Des morceaux en français ? Janice en avait... Pas le lieu. Pas le moment. Du style au chant, jusqu’aux gestes instinctifs sur scène, tout ici flaire l’anglo-saxon. Reste une trame étonnamment mélancolique. Par amour pour Verlaine, ok. Mais aussi parce que l’album narre une vie passée. Des instantanés. Avec cet éternel message : laissez-moi être qui je suis... CQFD ?

Écoutez voir « Beautifuly Dangerous », parlant d’adolescents voulant devenir star plutôt que policier. Ou les dangers de la tentation et la gloire éphémère. Voire la leçon d’une ex-enfant (Janice) qui, à l’enterrement de sa naïveté, ne peut que mieux se raconter. Misogynie, minorités… Tout y est mouliné à la force du poignet. Idem du côté de la ballade à cordes « Hero » : l’âpreté du propos méritait bien que l’artiste prenne exceptionnellement la guitare pour en ralentir le tempo.

Passées ces exceptions, Janice in the Noise aime les sons rutilants, tape-à-l’œil. Avec de la gueule ! De ceux quivous sautent au cou et se frottent aux flancs. Rock, glam, pop... Ce que tu veux. Avec, toujours, cette opposition : des musiciens jouant comme des machines jusqu’à la déraison. Des purs-sangs que Janice retient en studio – le
OneTwoPassIt (Bagnolet) – pour mieux les lâcher dans les rangs. Car la chanteuse tient à rester maître de l’intention : à elle la trame définie sur écran ; à eux les détails fictionnels. Ne considérant jamais la voix comme un instrument additionnel, mais une cerise dominant le bordel… Hey, c’est qui le patron ?

Exemple : sa rencontre avec
Tumi Molekane (chanteur hip-hop d’Afrique du Sud) offrant un « Beauty And The Beast » aigre-doux, digne d’une B.O. old school. Ou « Emergency », s’attaquant aux tempes à coups de synthétiseurs et autres claquements. Imparable... Et ce n’est pas le single « Electric », en ouverture, qui nous fera mentir : vous faisant claquer du talon en concert ou la larme en acoustique dans le salon. C’est selon.

On vous l’a dit : Janice in the Noise va faire du bruit.
T’as vu ? Elle en possède en tout cas la potion.



> Site web

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article